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PHILOSPARTACUS
26 mars 2013

Le Jardin d’Epicure sous la tyrannie de Démétrios Poliorcète

Que nous apprend l’exil d’Epicure et son retour à Athènes ?

Dans le cadre général des staseis telles qu’occasionnées par l’avènement de Macédoine et les guerres des diadoques, l’exil d’Epicure et son retour ‘‘suspect’’ à Athènes occupent une place centrale dans l’économie générale des malheurs qui ont ébranlé la Grèce globalement. Plusieurs motifs dès lors peuvent justifier ce retour. Mais avant d’en arriver, établissons succinctement dans quelles conditions fut-il contraint d’aller en exil. Nous nous permettrons alors de faire utilement un saut dans le passé, ce passé qu’Epicure n’ignorait pas, pour prendre en guise de comparaison explicative, celui d’Alcibiade, pour montrer des différences et des convergences. 

Au temps de Socrate, jusqu’à sa mort, l’exil était considéré comme une perte de la citoyenneté, mieux une déchéance de l’individu loin de sa patrie. Même ceux qui ont commis des actes contre la polis, et qui furent bannis, espéraient de loin d’être réhabilités par les Lois. L’exil du fait des Lois, est différent de l’exil pour des raisons sociales. Les Lois permettaient aux citoyens, aussi longtemps qu’ils demeurent citoyens sous le couvert et le respect des lois, de s’exiler vers un autre Etat, dans une colonie athénienne, telle Samos pour le cas de la famille d’Epicure. Or, pour le cas de Socrate autant que nous le sachions partant de l’Apologie et du Criton, a consciemment et justement choisi la décision des Lois. Lors du procès, il avait l’alternative de convaincre les Lois sur l’iniquité de leur décision, ou de fuir. Mais il préféra par-dessus tout, l’autorité des Lois à l’exil, car soutiennent les Lois : 
« Jamais tu n’es sorti de la ville, ni pour être un spectateur aux jeux, sinon une seule fois, à l’Isthme, ni pour aller nulle part ailleurs, sinon ici ou là, pour prendre part à une expédition militaire ; ni jamais tu n’as fait, comme les autres, de voyage au-dehors ; l’envie ne t’a pas pris davantage de connaître une autre ville, non plus que d’autres lois ; mais nous te suffisons, nous et notre Cité. (c) Tant était forte ta prédilection à notre égard, tant était fort ton consentement à avoir une vie civique en conformité avec nous ; et notamment tu as procréé tes enfants dans cette Cité, prouvant ainsi qu’elle te plaît ! Ce n’est pas tout encore : dans ton procès il t’était permis de t’assigner l’exil pour peine, si tu l’avais voulu, et de faire alors, avec l’assentiment de la Cité, cela même que maintenant tu projettes de faire contre son assentiment. Mais alors, tu paradais, en assurant que, s’il te fallait mourir, tu n’en concevrais point d’irritation ; qu’à l’exil (c’étaient tes propres paroles) tu préférais la mort ! »[1]. 

De ce remarquable passage, on peut aisément comprendre, que pour un grec « bien né », l’exil est une situation abominable, une souffrance plus terrible que la mort. C’est raison pour laquelle lorsque Criton suggéra à Socrate de « s’évader », ou ce qui revient au même de « fuir », la réponse que donnent les Lois est sans ambages : 
« Si tu t’évades, après avoir, avec une telle vilenie, répondu à l’injustice par l’injustice, au mal par le mal, après avoir transgressé ces accords et ces engagements que personnellement tu avais pris envers nous, après avoir fait du tort par ta conduite à ceux qui devaient le moins en faire : à toi-même, à tes amis, à ta patrie, à nous-mêmes ; c’est nous alors qui nous fâcherons contre toi, tant que tu seras en vie, et là-bas ce sera sans bienveillance qu’elles t’accueilleront, nos sœurs qui sont chez Hadès, quand elles sauront que tu as été, autant que cela était en toi, jusqu’à projeter notre perte. »[2]. 

Autrement dit, pour les Lois, il n’y a pas de fuite possible pour Socrate qui a contracté des engagements avec les dites Lois. Les transgresser, c’est aussi s’exposer aux mêmes peines chez Hadès. Donc, le verdict des Lois doit comme le pense justement Socrate, avoir « l’autorité de la chose jugée ». Autrement dit, si chacun se permet de contester les jugements des Lois, c’est la ruine même de la cité qui s’ensuivra. D’où la nécessité pour tout citoyen de respecter les accords et les engagements. Alors que selon les sophistes, les Lois ne sont que des décisions arbitraires de quelques hommes. En cela, cette thèse rejoint celle du Calliclès du Gorgias : les lois sont toujours prises au nom des intérêts d’une classe bien comprise. Et dans La République de Platon la vérité est même cruelle : aussi longtemps qu’on peut commettre l’injustice sans être vu (cf. L’anneau de Gysès), il est alors juste de commettre l’injustice. 
De fait la proposition de « fuir » faite par Criton à Socrate, ne sied pas à sa vertu qu’il enseigne : être juste avec les Lois. Mais qu’est-ce que « fuir » ? 

Le fait de « fuir » n’est pas digne du philosophe [3], ou du noble citoyen, mais est beaucoup plus spécifique pour un grec antique, à la conduite de l’esclave ou du soldat qui déserte le champ de bataille. Car, c’est l’esclave qui fuit clandestinement en s’habillant d’une veste de cuir, ou un prisonnier très vite reconnaissable. Dans le Protagoras de Platon (310a, p. 43), nous retrouvons cette réalité de la fuite des esclaves à travers les propos d’Hippocrate, fils d’Apollodore, qui entra de bonheur tel le vent chez Socrate pour l’informer de l’arrivée de Protagoras dans la ville, et sur le coup, lui annonça la fuite de son esclave Satyros. Les Lois donc déconseillent contre Criton à Socrate de fuir (en Thessalie), car disent-elles : 
«Tu te rendras en Thessalie auprès des hôtes de Criton ! C’est dans ce pays-là, en effet, que le désordre et le dérèglement sont à leur comble, et sans doute y prendra-t-on plaisir à entendre conter de quelle façon risible tu t’es enfui clandestinement de la prison, revêtu d’un déguisement, soit portant une veste en cuir, soit tel autre déguisement habituel à qui s’enfuit ainsi en cachette, bref ayant changé l’aspect qu’on lui connaît ! »[4]. 

Il s’ensuit donc que d’un point de vue strict des Lois, il est injuste, voire condamnable de fuir.  Qu’en est-il alors d’Epicure qui allègue la nécessité de la fuite en politique ? Son apolitisme, ou abstention politique est l’exacte illustration qu’il n’y a rien de préjudiciable, voire d’inique de fuir les affaires publiques, car les Lois ne prohibent pas une telle inconduite. Mieux les Lois donnent et reconnaissent cette liberté aux citoyens, car affirment les Lois: « Nous en effet, nous qui t’avons engendré, qui t'avons complètement élevé, complètement éduqué, nous qui t’avons fait part, à toi comme à tout le reste des citoyens, de l’ensemble des biens dont nous étions à même de vous faire part, (d) nous donnons ensuite avis, par voie de proclamation, que tout Athénien est libre, s’il le souhaite, une fois admis au rang de citoyen, expérience faite du régime en vigueur dans la Cité et de ce que nous sommes, nous les Loi ; libre, si nous ne lui plaisons pas, de s’en aller où il voudra, emportant ce qui lui appartient. »[5].

 Nous savons par ailleurs, qu'après la défaite de la bataille de Lamia en 322 av. J.-C, Epicure, son condisciple Ménandre, et d'autres grecs ont fui pour ne pas être pris come prisonniers par les troupes d'Antipater/Antipatros. De fait, la fuite au cœur de la bataille elle admissible et raisonnable. 

Epicure connut un premier exil social à Samos, où il naquit. Mais par la suite, il eut l’exil politique du fait de la guerre menée par Alexandre le Grand contre l’Orient, qui justement depuis l’Asie intima aux cités grecques de rappeler leurs bannis, et de céder les terres à leurs légitimes propriétaires. Le décret qui fut en suspens jusqu’à la mort du grand général fut appliqué par Perdiccas. Les parents d’Epicure exilèrent donc de Samos à Colophon. Or, comme les parents d’Epicure étaient pro-démocrates (selon la thèse de Paraire), sitôt après la guerre de Lamia, les démocrates furent persécutés par les pro-macédoniens. D’où le départ d’Epicure d'Athènes _ après avoir rempli son éphébie_ à Colophon. Il connaîtra donc les affres de l’exil et de la pauvreté : il apprendra à vivre de peu, à philosopher sur les choses naturellement faciles à satisfaire, mieux que les plaisirs procurés par une table luxueuse. 

Si nous examinons le sens de « fuir » au regard des péripéties de la guerre de Lamia [6] , et de son exil, force est de constater que le terme « fuir » est récurrent tant dans l’éthique, concernant les biens à rechercher et ceux qu’il faut « fuir », que dans sa pensée politique − en tant que la politique est une chose à fuir. Il va sans dire alors que les sens de « fuir » les affaires politiques et le « vivre caché », cachent bien, un certain secret. Epicure fut-il impliqué politiquement ? Auquel cas, quid de son apolitisme ? De manière rhétorique, nous savons que ne pas s’adonner à la politique, mieux « fuir la politique », n’est-ce pas l’attitude de quelqu’un qui par le passé a eu une certaine expérience (amère), voire clandestine de la politique ? Nous sommes enclins à penser que le séjour à Lampsaque, du fait de ses amitiés avec les courtisans de Lysimaque, a forcément conduit le futur philosophe du jardin, à « se frotter » avec les monarques. Nous savons que le conseil qu’il donnait à son ami Mythrès de fuir les affaires publiques, participe d’une forte expérience de la politique. Mieux, son calvaire à Mytilène à cause de la jalousie des péripatéticiens et des autres écoles, l’a suffisamment édifié sur la facile manipulation de la foule, en proie aux croyances religieuses. Plus rigoureusement, pour le philosophe du Jardin, la fréquentation de la foule (la forte présence des sycophantes par exemple) est un danger pour celui qui recherche la sécurité. D’où l’injonction de fuir la foule. Les péripatéticiens et les platoniciens ont en effet répandu la rumeur que le sage du jardin était un athée, d’où sa fuite de Mytilène à Lampsaque, puis enfin à Athènes [7]. 

Par conséquent, « vivre caché » (lâthé biôsas) pourrait avoir une autre résonance, si nous disons que le philosophe du Jardin voudrait « vivre apolitiquement ». Qu’est-ce à dire ? 


Victor Goldschmidt a su mieux que quiconque expliquer le sens de la sécurité qui est subsumé dans le terme lâthé biôsas. Mais, nous pensons pouvoir dire que « vivre apolitiquement », mieux l’audace de « vivre apolitiquement » apparaît très spécifique dans ce contexte. C’est nous semble-t-il la négation de la flagornerie. N’est-ce pas de celle-là même que le philosophe du Jardin voudrait délivrer son ami Mythrès ? Aussi partirons-nous du Protagoras de Platon où Simonide est caricaturé comme un flatteur de prince, pour montrer que justement Epicure pour tout l’or d’un monarque ne s’abaissera pas pour « faire le chien ». Les Lois montrent avec beaucoup de sagesse qu’une telle attitude ne sied pas à un sage tel que Socrate. 

En prenant Simonide comme cas type du personnage qui veut vivre auprès des tyrans, les discussions qui ont lieu entre Protagoras et Socrate nous conduisent inéluctablement aux propos d’Epicure [8] qui s’indigne à travers la Sentence 67 de cette « vie de chien » auprès des monarques. Simonide de Céos selon ce que nous rapporte Emile Chambry dans sa note 48 de son Protagoras fut ami, de la famille des Scopades : 
« Cette famille est reconnue pour leurs richesses. Ils régnaient à Crannon et Pharsale. Simonide de Céos[9] fut souvent leur hôte, et composa plusieurs poèmes en leur honneur, notamment un chant de victoire, ou l’éloge des Dioscures tenait une trop large place, au sentiment des Scopades, et un thrène où il déplorait la mort d’une grande partie des membres de cette famille, écrasés dans leur salle à manger par la chute du plafond. »[10]. 
Pour Socrate, cette fréquentation du poète avec les tyrans (Scopas, Hipparque, Hiéron), le réduit malgré lui en esclave, ou en « chien des tyrans », car souligne-t-il : « Plus d’une fois sans doute Simonide s’est rendu compte qu’il avait lui-même fait l’éloge ou le panégyrique d’un tyran ou de quelque autre personnage semblable, non point de son plein gré, mais par contrainte. »[11]. 

Il suit donc que par-delà les talents de simonide, pour Socrate tout comme pour ses interlocuteurs, son attitude est vile, vénale. La fréquentation des tyrans n’est jamais un gage de sécurité, car de bons, ils peuvent basculer dans la méchanceté et la cruauté. Nous en avons pour preuve le cas de Périandre tel que rapporté par E. Chambry : « Périandre, tyran de Corinthe, après avoir gouverné d’abord avec sagesse et modération, devint cruel et despotique. Pittacos de Mytilène, l’ayant appris, quitta le pouvoir, pour ne pas exposer sa vertu à un pareil changement et partit pour l’exil. Comme on lui demandait pourquoi il avait résigné le pouvoir, il répondit : « Parce qu’il est difficile d’être un homme de bien, si l’on en juge par le changement de Périandre. »[12]. 

La critique de Socrate vis-à-vis de Simonide, en tant que flatteur de tyrans, permet d’éclairer crûment la « morve » d’Epicure à l’endroit de toutes formes de flagorneries. Pour nous, Epicure a suffisamment enduré des souffrances de tous ordres qu’il ne peut plus s’abaisser devant les fantaisies, ou les extravagances d’un tyran. Dès lors, il faut dire que c’est même son tempérament qui le rend rétif à des fréquentations durables avec les monarques. Ethiquement nous dirons qu’il n’y pas de joie de vivre dans le commerce des tyrans, mais uniquement dans la compagnie des amis ; car c’est entendu depuis Platon et Aristote que le tyran n’a pas d’amis. 

Par conséquent, si nous examinons la question de ses déplacements de manière cartographique depuis Colophon jusqu’à Athènes, nous percevons clairement qu’ils sont teintés de « fuite ». A l’examen, nous avons la nette impression que le philosophe du Jardin ne pouvait plus a priori se sentir en sécurité qu’Athènes. Athènes pourrait donc apparaît initialement comme le havre protecteur, l’Olympe de la philosophie. Mais au fil des guerres et des troubles civils, la sécurité dans la vie extérieure n’était plus possible, d’où la nécessité de s’exiler loin de troubles, en banlieue d’Athènes, moins agitée pour savourer la paix et les délices d’une vie faite d’études et d’otium. Il suit donc qu’autant Epicure peut fuir les monarques et les palais telle la peste, de même il fuit la foule : l’agitation, les troubles politiques. De fait, lorsqu’un homme tel qu’Epicure a passé sa vie a fuir, ne recherchera-t-il pas en fin de compte la sécurité et les conditions propices pour vivre heureux ? Le « vivre caché » permet tout naturellement la réalisation de ce bonheur qui n’existe pas à l’extérieur. 

Il convient de souligner ici et maintenant que « le vivre apolitique » n’est pas une indifférence vis-à-vis de la vie extérieure, mais comme l’a si bien établi André Tuilier, ressemblerait plus à un « mépris », voire un « dégoût » pour les « institutions politiques ». Cette notion de « vivre apolitique » que nous substituons au "vivre caché", ma foi est plus lumineuse, moins suspecte que le sens de « vivre caché » qui a terni un tant soit peu la valeur de cette conduite philosophique courageuse pour l’époque. Epicure a marqué donc son originalité en revendiquant son « vivre apolitique » même contre les nouveaux maîtres de la cité athénienne. Certes par le passé, il y a eu des attitudes apolitiques, et même au temps d’Epicure. Mais, pour la première fois, toute une communauté adhère à son « vivre apolitique », qui ne renie pas la polis, mais la déliquescence des institutions. 

2-La communauté des amis un danger pour la tyrannie de Démétrios Poliorcète ? 

En articulant la notion de philia épicurienne à la tyrannie qui a pris forme avec les régences de Démétrios Poliorcète et de Lacharès, et en amont avec celle de Lysimaque, on est tenté en effet de se demander dans une optique platonicienne, si cette philia qu’il célèbre n’est pas devenue une arme pacifique contre la tyrannie ? Car l’implantation de cette communauté des amis [13] coïncide étrangement avec l’érection de la royauté de Démétrios Poliorcète. Au temps de Platon et d’Aristote, la tyrannie peut être acceptée en lien comme dirait André Tuilier avec la forme de la « démocratie conservatrice ». Mais une communauté d’amis, où règne l’isotès, peut perturber politiquement la tranquillité d’un tyran, surtout non grec. Souterrainement il est possible de percevoir un déni de la tyrannie à travers la célébration de l’amitié comme le plus grands des biens. Contre la foule qui donna son quitus à la tyrannie, Epicure et sa communauté ne reconnaissent pas cette tyrannie/royauté comme un bien pour Athènes ainsi que nous le verrons dans la suite de nos propos, mais préfère proclamer que l’amitié est le meilleur des biens. In concreto l’amitié épicurienne apparaît comme une négation du pouvoir tyrannique/ou despotique. 

En face donc d’un pouvoir absolutiste, où Démétrios Poliorcète se croit l’égal du dieu, Epicure ne craint pas de brandir que l’amitié est extraordinairement plus élevée que le titre de roi, car elle rend immortel et bienheureux comme des makarismoi. Tandis que le titre de Roi, ou de tyran, est éphémère, fait de soucis, de troubles, de fatigue, de guerres, de souffrance. La célébration de la philia, au-delà de ses dimensions sociales, mystiques et initiatiques, a en cette période de la tyrannie de Démétrios Poliorcète et des autres rois, une portée politique. Pourquoi ? 

Comme nous le souligne si bien Claude Mossé, on n’est pas dans la forme classique de la tyrannie, ou un individu s’empare du pouvoir, ou hérite de la tyrannie tels les trente, ou celle des Pisistratides, et abuse comme bon lui semble des biens du pouvoir et des sujets. Mais in reality, écrit-elle : « Ce qui caractérise la civilisation de ce monde hellénistique, c’est d’abord l’apparition d’une forme nouvelle de régime politique, la monarchie. ». Et le passage qui suit montre bien la déconnection d’avec les régimes et les siècles précédents : « Non que le monde grec ait ignoré la royauté et la tyrannie, c’est-à-dire les deux formes que prenait le pouvoir entre les mains d’un seul individu (c’est le sens du mot monarchie). Mais il s’agit désormais d’un pouvoir différent, d’abord en ce qu’il s’exerce sur de vastes états territoriaux et non dans les limites d’une cité ; ensuite parce qu’il résulte de la conquête, même en Macédoine où les Antigonides se sont rendus maîtres du pays « par la lance » ; enfin parce qu’il relève des qualités personnelles − au moins théoriquement− de celui qui l’exerce. »[14]. 

Partant de ce passage très édifiant, deux considérations peuvent se dégager, primo : le contexte n’est plus le même ; secundo il n’est plus besoin en ce siècle d’aller s’échiner à apprendre la philosophie politique de Platon ou d’Aristote pour devenir tyran ; mais comme le souligne remarquablement Claude Mossé : seule la conquête, et donc la guerre permet de devenir roi, ou tyran, voire d’être établi tyran au nom d’un roi, tel Démétrios de Phalère par exemple établit par Cassandre. D’un mot, il est possible de régenter une cité sans avoir véritablement « l’art politique », ou la « vertu politique » : de Démétrios de Phalère à Poliorcète, jusqu’à Lysimaque, nous avons affaire à des dirigeants débauchés, imbus de leur « absoluité ». Cette érection massive des régimes dictatoriaux, sanctifie in concreto la limite de l’exercice du pouvoir tel que l’envisageaient Platon et Aristote. Alexandre le Grand lui-même va se désolidariser d’avec la politique de son maître Aristote. 

Au rebours de la ‘‘philiatyrannicide[15]’’ dont le vecteur fut l’Amour qui a conduit les amants, Harmodios et Aristogiton à assassiner le tyran Hipparque[16], et au-delà du fait que leur acte a permis de mettre fin à la domination des tyrans, Epicure ne vise pas par la création de son Jardin à renverser un pouvoir, mais à éduquer éthiquement et politiquement aux moyens des maximes et de sentences, sur la mal gouvernance, et fustige crûment les monarques de faire fi de la sécurité. A la différence d’Alcibiade (451/450-404), qui sans vergogne peut fuir sa polis et revenir guerroyer contre sa patrie aux côtés de l’ennemi, puis gouverner tyranniquement la cité, Epicure malgré tout le mal que les pro-démocrates ont commis à son endroit, est revenu dans son pays sans animosité pour la Cité. Mieux, il est revenu tout comme Poliorcète en sôter (sauveur).

Le cas d’Alcibiade est historiquement édifiant, car toutes les fois où certains individus reviennent dans la polis, c’est pour régler très souvent leurs comptes avec ceux qui les ont condamnés à l’exil. Frédérique Ildefonse, dans l’introduction de son Protagoras nous établit grosso modo qui est Alcibiade : « Alcibiade, fils de Clinias, issu d’une famille illustre, pupille de Périclès, fut le plus brillant disciple de Socrate, et son aimé. Il devint dès 420, le leader des démocrates extrémistes ; il fut désigné, avec Nicias, pour diriger l’expédition de Sicile qui tourna au désastre. Accusé de complicité dans la mutilation des Hermès en 415, il se réfugia [17] à Sparte, où il prit part à la guerre contre Athènes. De retour à Athènes en 407, il participa à la tyrannie des Trente et connut d’importants succès militaires ; pour s’être attiré à nouveau la méfiance du peuple, il dut repartir en exil et fut assassiné avec la complicité du gouvernement athénien. »[18]. 

De ce qui précède, on peut véritablement jeter des glorioles à Epicure qui s’est abstenu de participer aux gouvernements des monarques, ni à la tyrannie, nonobstant les circonstances qui lui furent favorables. Il pouvait tout comme Alcibiade, s’inféoder à un monarque pour punir les pro-macédoniens, ses concitoyens. Mais, il a agi en citoyen bien né, en patriote. C’est raison pour laquelle il vécut mal la tyrannie d’un Poliorcète, d’un Lysimaque ou d’un Lacharès contre des citoyens. Car, en cette période où économiquement, socialement et politiquement tout est mal en point, une tyrannie ne peut qu’envenimer la situation déjà désastreuse des Cités. De sorte que sous les apparences d’une royauté, les diadoques ont en réalité en régné en despotes. D’où la réaction du philosophe Jardin : son « vivre apolitique », qui est une opposition pacifique à la tyrannie. Plus fondamentalement, Epicure hait la tyrannie. N’ayant pas d’ambition politique à l’instar d’Alcibiade, il ne peut qu’œuvrer pour que sa communauté des amis soit en sécurité, et jouir du bonheur que procure une vie loin de la foule et des affaires publiques. 

Ainsi donc que cela apparaît à nos yeux, nous sommes bel et bien en présence d’une communauté politique d’amis, qui estima en cette ère de désarroi total, ne plus pouvoir trouver la sécurité que sous la bannière de l’amitié. C’est raison pour laquelle nous pensons pouvoir affirmer qu’aux regards justement de tous ces bouleversements politiques, et de la déliquescence des institutions, Epicure a érigé intelligemment en face des nouvelles royautés, une nouvelle organisation politique sans despotoi (sans tyrans) : la philakratia[19]. 

André Tuilier s’inscrivant dans l’approche de W. Crönert, soulignait à titre d’hypothèse qu’Epicure lors de son séjour à Lampsaque inclina un moment pour le gouvernement Thrace de Lysimaque. Nous sommes maintenant à même d’alléguer que la philia était au centre des rapports entre les sujets et le monarque. Mais, si Epicure a retourné la veste contre Lysimaque qui devint despotique contre la minorité de la classe bourgeoise, il va sans dire, qu’une telle fermeté rentre en contradiction avec les principes d’Epicure et la philia qu’il professe. Car, souligne aussi André Tuilier : « A la différence d’Aristote qui avait continué de prêcher la domination des grecs sur les barbares malgré l’évolution de la situation, l’amitié épicurienne symbolisait le syncrétisme alexandrin qui voulait assurer l’hellénisation des barbares par l’assimilation et la fraternité entre les peuples. La philia universelle, telle qu’elle ressort de la gnomologie vaticane, exprime parfaitement cette idée nouvelle pour le monde grec. »[20]. 

Si donc on s’en tient à ce que nous dit André Tuilier, la raison de ce retour à Athènes, s’expliquerait par le changement de caractère de Lysimaque. La philia épicurienne lorsqu’elle est bien ancrée dans les cœurs, ne peut pas conduire à la violence, ou à une hypothétique tyrannicide. Elle est politique et sociale, vectrice de solidarité, de fraternité, d’échanges de bienveillances réciproques. C’est pourquoi, en l’absence de textes et d’études historiques conséquents sur la politique de Lysimaque, il est toutefois possible de soutenir à la suite d’A. Andréadès rapporté par A. Tuilier que : « La politique de Lysimaque est mal connue. Cependant, après sa conquête de l’Asie Mineure (301 avant J.-C), il exerça à l’égard des classes dirigeantes des villes une politique autoritaire qui rappelle celle d’Alexandre à la fin de sa vie. »[21]. 

Cette métamorphose des hommes au pouvoir n’est-elle pas l’exacte illustration que nous fournit Périandre ? Et à sa suite Lysimaque ? D’où naturellement la recommandation d’Epicure de fuir les monarques. Mais si on peut souscrire aux propos d’André Tuilier : seul véritablement Alexandre le Grand en tant que Monarque, rentre dans les canons d’Epicure. Autrement dit, ainsi que nous le verrons plus en détails, Alexandre fut la star Politique d’Epicure, comme aujourd’hui des jeunes ou des adultes peuvent politiquement s’enticher de l’exploit du nouveau président Américain : Mr Barack Obama. Les nouveaux rois qu’Epicure a vu régenter les Cités grecques et orientales, n’ont pas su véhiculer et fonder véritablement le projet de la philia oecuméniste et universelle projetée par Alexandre le Grand. Le Peri Basileias, qui est spécifiquement un panégyrique du Roi, exprime pour la première fois la déviation d’Epicure à traiter de Politique. En clair, ce ne sont pas les diadoques qui représentent à ses yeux la bonne royauté [22], mais celle que le grand général avait eue en vue pour la paix et la sécurité générale.

Dans un passage qui peut paraître contestable pour certains, mais évidente pour nous, Plutarque asserte bien de cette intention d’Alexandre le Grand de réunir toutes les cités conquises sous la bannière d’une seule autorité, d’un seul droit, une seule Loi, comme au temps de Socrate vis-à-vis des Lois. Plutarque rapporté par A. Tuilier adhère à mon sens à cette volonté d’Alexandre le Grand : il veut « réduire tous les hommes à un seul peuple, ... les englober tous dans une seule loi, faire rayonner sur tous un seul droit, comme une lumière commune. »[23]. 

Partant de ce précède, il se fait jour que le projet de revenir alors à Athènes devient assez clair, si nous percevons l'intentionnalité des maximes sur la sécurité, à savoir que : la sécurité qu’il voudrait pour toute sa communauté ne peut se réaliser, se concrétiser qu’en marge des institutions existantes qui ont échoué en matière d’omonoia et de phila politikè. Le besoin de protection, de sécurité, pour les fidèles qui viennent auprès de lui et de plus en plus nombreux, atteste éloquemment de l’existence physique de deux Etats, de deux communautés diamétralement distinctes du point de vue de la perception des dieux, des lois, des mœurs, de l’art politique, du bonheur et surtout de la sécurité. Nous savons suivant Diogène Laërce qu’au départ Epicure enseignait en commun avec les autres philosophes, et que c’est seulement par la suite « qu’il créa une secte particulière qui prit son nom » (D. Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres, tome II, trad. notice et notes, par R. Genaille, op.cit, p. 215). Si nous Substitutions dialectiquement « secte » par « communauté d’amis », et enfin par « philiakratia », il sautera alors clairement aux yeux que sous les traits, ou les apparences d’une « secte », d’une société du « vivre caché », Epicure institutionnalisa une « philiakratia » au mépris de la foule et des pouvoirs. Si nous replaçons en effet cette philiakratia dans le contexte général, il est possible de s’accorder politiquement avec André Tuilier, pour dire que : « Ce mépris vise surtout les partis et les institutions de la cité grecque classique, dont les rivalités stériles ne répondaient plus aux nécessités du temps. Tiraillées entre la démocratie et les régimes plus conservateurs, les villes avaient traduit tour à tour dans leurs dispositions constitutionnelles les préférences successives des deux tendances. L’échec avait été total, et sous la pression des faits, Alexandre avait dû abandonner les enseignements de la Politique d’Aristote. »[24]. 

Pour nous il est d’une claire évidence, que si Epicure n’était pas parvenu à la connaissance claire de ce qu’est le pouvoir, et ce que sont les aspirations fondamentales des individus dans une communauté digne de nom, il n’aurait pas abouti par la fondation du Jardin à s’opposer à la royauté et à la tyrannie. Car, comment peut-il avancer en face des Monarques [25] que la sécurité n’est pas possible, ni du côté des biens du pouvoir, ni du côté de la royauté, s’il n’attribuait pas à sa société politique, ce seul privilège ? Dans la maxime XIV, il assure en effet que : que seul « le vivre caché » permet de s’assurer la sécurité pure : « Si la sécurité du côté des hommes existe jusqu’à un certain point grâce à la puissance solidement assise et à la richesse, la sécurité la plus pure naît de la vie tranquille et à l’écart de la foule. »[26]. Il apparaît donc partant de ce remarquable passage, que le « vivre caché » est une zététique de la sécurité et du bonheur en compagnie d’amis. Alors que le « vivre apolitique » est une négation de la royauté et de la tyrannie. C’est raison pour laquelle la koinoia des amis, ne célèbre pas ce fameux bien pour leur seule jouissance égoïste, mais elle est cosmopolitique. Raison pour laquelle une philiakratia est meilleure qu’une royauté ou une tyrannie. Il n’est donc pas exagéré d’avancer qu’Epicure a perfectionné la philia d’Aristote, en l’appliquant aux nouvelles réalités hellénistiques, où partout les individus recherchent une nouvelle communauté où il fait bon vivre. 

Si nous faisons l’effort d’observer le sens de la sentence 52[27] dans la perspective Alexandrine de pacifier le vaste monde et de diffuser le grec, cette philiakratia, est donc la parfaite illustration que le dessein d’Alexandre ne fut pas utopiste, car Epicure grâce à cet hymne à la philia a réuni autour de lui toutes les nationalités. C’est pourquoi, à ce niveau de notre analyse il est juste de rendre hommage au moins une fois à Diogène Laërce qui a bien souligné la dimension philanthropique de cette philia épicurienne : (la philanthropia). En d’autres termes, ainsi que d’aucuns ont tendance à l’occulter, Epicure avait une grande culture de cette grandiose conquête du général macédonien. Le concept d’oikoumêne[28] cadre donc parfaitement avec l’amitié qu’il célèbre. C’est raison pour laquelle, elle aura incontestablement des influences importantes chez les Séleucides vers le IIè siècle av. J-C. 
Peut-on alors dire que la philiakratia (un gouvernement qui ne dit pas son non), fut la réponse juste face aux aspirations de cette multitude[29] de gens qui recherchait protection, soutien et sécurité devant l’échec des institutions ? 

Il est aisé de répondre que l’époque d’Epicure est dans le temps comme dans l’espace différente de celle de Socrate, de Platon ou d’Aristote. Nous ne sommes plus politiquement dans la théorisation des concepts ou des idées ; il fallait trouver, et très vite une solution à un drame social et politique. Et comme on n’est pas in situ dans le schéma de la philia qui assassine des tyrans comme dans le Banquet de Platon, pour nous Epicure fut plus pragmatique, en fondant non plus une Ecole au sens classique du mot, mais véritablement un micro-Etat ou paradoxalement vont s’épanouir contre les échecs politiques de Platon et d’Aristote tous les concepts de la bonne gouvernance tels que : l’omonoia, la symphonia, la philia politikè, l’isotès. Que la communauté fondée par Epicure fut une vraie philiakratia, la preuve est donnée par Numénius, cité par Eusèbe de Césarée : «L’accord des épicuriens entre eux ressemblait à celui qui doit régner dans une république bien gouvernée »[30]. 

C’est donc dire que politiquement sans instiguer des appels à la révolution, au meurtre ou assassinat des despotes, les épicuriens ont tissé de solides « accords », mieux des « fraternités » sociales où il est possible de « vivre apolitiquement » et de manière makariostèsque ? Et à mon sens Pierre Boyance n’est pas en faux lorsqu’il avançait si bien que : « Leur petite société... aurait bien pu servir de modèle à la grande. »[31]; car ces sociétés, voire ces « fraternités » ont survécu jusqu’à Rome, et jusqu’aux siècles postures avec des déclinaisons diverses. 

A la vérité, ce qu’il faut asserter, c’est que l’épicurisme mieux que les solutions politiques des autres écoles, a apporté le remède aux aspirations des masses populaires. C’est pourquoi son apologétique de la royauté ne saurait rendre indifférent un empereur tel que Jules César[32], qui voudrait renverser le pouvoir du Sénat devenu obsolète. D’un mot, toutes les fois que des institutions tombent en décrépitude, l’épicurisme devient politiquement le remède efficient.

Youssouf M. Moussa

Criminophilosophe.


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[1] Apologie de Socrate, Criton, Phédon, trad. du grec par L. Robin et M.-J. Moreau, préface de François Châtelet, Paris, Gallimard, 1985, p. 91. 
[2] Ibid., p. 95. 
[3] Sauf pour le cas du sophiste Protagoras qui avait l’art de fuir dans l’éloquence devant les attaques de Socrate : Hippias alors de le conjurer en ces termes : « De ton côté, Protagoras ne mets pas toutes voiles dehors, et, te laissant emporter par le vent favorable, ne fuis pas vers la haute mer de l’éloquence jusqu’à perdre de vue la terre ; mais prenez l’un et l’autre la route intermédiaire. » (Protagoras, 337a, trad. de E Chambry, Paris, Garnier-Flammarion, 1980, p. 68).Nous soulignons. Il apparaît donc que la dispute est ici comparée à un duel, à un combat de titans : Socrate et son adversaire doivent reste sur le terrain, car il y a des arbitraires qui doivent rapporter leurs actions. Socrate dans le Banquet ironise sur la fuite en ces termes devant le brillantissime exposé d’Agathon sur l’Amour : « Pour ma part en effet, je me reconnaissais incapable de rien dire dont la beauté approchât de cela, et pour un peu je me serais enfui, de honte, si j’avais pu la faire. ». Platon, Le Banquet (1985), 198b, texte établi et traduit par Paul Vicaire, avec le concours de Jean Laborderie,  Paris, Gallimard, 1991, p. 129) 
[4] Criton, L. Robin et M.-J. Moreau, op.cit., p. 94. 
[5] Ibid., p. 90[nous soulignons]. 
[6] Rappel : devant l’arrivée des troupes de Cratères qui apporta le gros des troupes d’Alexandre le Grand en renfort à Antipater, la défaite des athéniens était évidente à Crannon. C’est pourquoi plutôt que de se constituer prisonniers, la seule porte de secourir restait la fuite devant l’ennemi. Même si par le passé cette conduite passait pour être une lâcheté, devant la puissance de frappe de Cratère, les athéniens ne faisaient plus le poids, il fallait donc jeter les armes et fuir. Le danger était réel, ce qui explique la fuite raisonnable. En politique nous pensons aussi qu’Epicure enseigne à voir la politique, les affaires publiques sur le même plan, à sa dangerosité. 
[7] A-J. Festugière, Epicure et ses dieux, Paris, Quadrige/PUF, 1985, p. 29) y voit une raison intrinsèque : le fait qu’Athènes soit la capitale de la pensée, et qu’Epicure soit un citoyen athénien. Nous ne contestons pas cette idée, mais nous la poussons dans sa visée ultime : qui est comme nous le soutenons mordicus : fonder contre la tyrannie une philiakratia
[8] Sentence 67 : « Une vie libre ne peut pas acquérir de grandes richesses, parce que la chose n’est pas facile sans se faire le serviteur des assemblées populaires ou des monarques, mais elle possède tout dans une abondance incessante ; et s’il lui arrive de disposer de grandes richesses, facilement aussi elle les distribue, en vue de la bienveillance du voisin. » (Epicure, Lettres et maximes, trad. de M Conche, Paris, PUF, 2005, p. 265). 
[9] Poète lyrique grec (vers 556-vers 467 av. J.-C), un des créateurs de l’ode triomphale ou épinicie. In Dictionnaire Larousse Classique, p. 1114. 
[10] Platon, Protagoras, Euthydème, Gorgias, Ménexène, Ménon, Cratyle, trad. et notes par d’E. Chambry, note 48, p.481.
[11] Protagoras, 346b, trad. et notes par E. Chambry, op.cit., p. 77. 
[12] Ibid., note 50 de la page 70. 
[13] Durant l’exil d’Epicure, il est juste de parler d’Ecole. Mais à Athènes, elle deviendra une koinoia
[14] Claude Mossé, Dictionnaire de la Civilisation Grecque, Paris, éd. Complexe, 1998, p. 255. 
[15] Il faut lire l’assassinat des tyrans par le moyen de la philia. Mais concrètement au sens du Banquet, c’est via l’Eros (l’Amour). Car, au sens du Jardin, la philia ne doit pas conduire à cette cruauté. Mais, l’Eros n’est pas toujours facile à tenir en bride. Peut-être est-ce raison pour laquelle les épicuriens se méfient aussi d’Eros (l’Amour). 
[16] « En 514 av. J-C., Hipparque, frère du tyran Hippias (fils et successeur de Pisistrate) fut assassiné lors des Panathénées par Harmodios et Aristogiton − lesquels bientôt exécutés, devinrent pour la démocratie des héros exemplaires. » (Platon, Le Banquet, texte établi et traduit par Paul Vicaire, Paris, Gallimard, 1991, p. 111, note 1) 
[17] Nous préférions plutôt le sens de s’ « exila » ; car dès lors qu’un citoyen est reconnu coupable d’avoir mal agi (kakos prattein) contre la Cité, il est frappé automatiquement d’ostracisme, ou ‘‘(d’exil)’’. 
[18] Platon, Protagoras, présentation et traduction inédite, de Frédérique Ildefonse, Paris, GF-Flammarion, 1997, p. 13[nous soulignons]. 
[19] Si l’on s’en tient à se que nous dit Diogène Laërce et Festugière sur le grand rayonnement du Jardin, qui a presque éclipsé les autres écoles, il va s’en dire que cette fondation du Jardin comme Koinoia correspond bien aux aspirations de ses amis. Et un passage de Festugière suffit amplement à rendre témoignage de la légitimité d’une philiakratia : « Tous les dogmes les mieux établis de l’esprit grec ont été radicalement subvertis. Pour le citoyen libre des petites cités helléniques jalouses de leur autonomie et de leurs privilèges, rien n’était plus constant que l’horreur de la tyrannie : et voici qu’on obéit à des tyrans et que, peu à peu, par l’effet de la lente dissolution morale qu’engendre la tyrannie, on s’accoutume à cette obéissance ; bien mieux, on flatte le tyran, on le divinise, bientôt on le regarde comme le seul dieu. » (A.-J. festugière, Epicure et ses dieux, op.cit., p. 121). 
[20] André Tuilier, « La notion de philia dans ses rapports avec fondements sociaux de l’épicurisme », in Actes du VIIIe du Congrès, Paris, 5-10 avril 1968, p. 324. Nous soulignons. 
[21] A. Andréadès, L’Administration financière du roi Lysimaque, Mélanges Paul Thomas, Bruges, 1930, p. 6-15, cité par A. Tuilier, Actes du VIIIe Congrès, Paris, 5-10 avril 1968, par l’association Guillaume Budé, Paris,  éd. Les Belles Lettres, 1970, p. 324. Nous soulignons. 
[22] Dans le De la nature, (liv. V), Lucrèce aussi accorde une place centrale à la royauté, qu’il fait remonter depuis les premières institutions sociales. 
[23] In Plutarque, De Alex. Virt. et fort., 8 (Moralia 330 c) ; cité par A. Tuilier, Actes du VIIIe Congrès, op.cit., p. 323. Nous soulignons. 
[24] André Tuilier, Actes du VIIIe Congrès, op.cit., p. 325. 
[25] Prudent et stratège, il ne désigne pas de nom. Mais il est possible de supputer qu’il s’adressait à la fois à Lysimaque qui devint dans la jouissance de son titre de Roi, despotique, de même qu’à Poliorcète et Lacharès. 
[26] Epicure, Lettres et maximes, maxime XIV, trad. M. Conche, op.cit., p. 235[nous soulignons]. 
[27] « L’amitié fait sa ronde autour du monde habité, comme un héraut nous appelant tous à nous réveiller pour nous estimer bienheureux. » (Epicure, Lettres et maximes, maxime 52 trad. M. Conche, op.cit., p. 261). 
[28] Selon André Tuilier, l’amitié épicurienne s’inscrit en effet dans le sillage de l’oikoumêne alexandrin, car dit-il : « A l’instar du conquérant, l’épicurien Antiochus IV Epiphane (174-164 avant J.-C.) pratiquera une politique de fusion des peuples hostiles aux religions traditionnelles, comme l’attestent les épisodes caractéristiques du premier livre des Macchabées. Il sera d’ailleurs aimé de ses sujets. » 
[29] Selon André Tuilier : « Les épicuriens seront très souvent dans l’antiquité des ouvriers (opifices) et des paysans (rustici) qui trouveront tout naturellement dans la philosophie (sous le gouvernement d’apparat) du jardin une réponse à leurs aspirations collectives. » (André Tuilier, Actes du VIIIe Congrès, op.cit., p. 325). 
[30] Numénius  apud, Eusèbe de Césarée, Préparation évangélique, XIV, V, 3. Cité par André Tuilier, Actes du VIIIe Congrès, op.cit., p. 325. 
[31] Pierre Boyance, L’Epicurisme dans la société et la littérature romaines, Bulletin de l’Association Guillaume Budé. Lettres d’Humanité, XIX (1960), p. 512 ; cité par A. Tuilier, op.cit., p. 325. 
[32] Cf.  Troisième partie de notre travail de thèse de doctorat, l’impact de l’épicurisme dans la transformation des politiques romaines, mieux son accréditation comme philosophie politique qui se soucie du bonheur humain et de la sécurité. 

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