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PHILOSPARTACUS
26 mars 2013

L'antithétique de la stasis avec la bona vita (vie bonne).

L’homme est entendu chez Aristote comme un politès (citoyen) essentiellement et téléologiquement politique. (Cf. Aristote, La Politique).

Lorsque nous lisons Moses.I. Finley dans son excellent ouvrage L’Invention de la politique, la première évidence qui saute aux yeux est la gémellité de situations avec nos Etats africains. La stasis hier comme aujourd’hui est matricielle, la force qui l’emporte sur les institutions et le droit en place. Selon Moses. I. Finley : « Stasis a un large éventail de significations, depuis le groupement politique ou la rivalité entre factions (au sens péjoratif), jusqu’à la guerre civile ouverte. Reflet fidèle des réalités politiques ». (Moses.I. Finley, L’Invetion de la politique, trad. de l’anglais par Jeannie Carlier, préface de Pierre Vidal-Naquet, Paris, Flammarion, 1994, p. 156).  Si on s’en tient à l’avis de l’expert Finley, à l’époque grecque comme romaine « la stasis était une menace permanente ; que, lorsqu’elle apparaît dans les textes, c’est comme un conflit où s’affrontent non seulement l’oligarchie et la démocratie, mais encore les factions rivales à l’intérieur de chaque camp. Assez souvent il en résultait une tyrannie : dans cette mesure les tyrans font partie eux aussi de l’histoire politique de la Grèce classique. » (Ibid., p. 163). La transposition mathématique est aisée à poser relativement à nos Etats actuels, et aux tyrans en puissance.

Pour nous il est d’une claire évidence que la politique se rend amorale et immorale lorsque qu’elle ramène la société politique à un état pré-politique. Les rebellions, les guerres civiles, les putschs militaires etc., sont autant de régressions de l’essence du politique, ou plus exactement relèvent de l’apolitique. Mais spécifions ici et maintenant ces deux concepts : « L’immoral, c’est ce qui est contraire à la morale ; l’amoral, c’est ce qui ne ressortit pas à l’ordre de la morale ou ce qui vient avant la mise en place de la morale » (Qu’est-ce que la politique, Jean-Marie Donegani Marc Sadoun, Paris, Gallimard, 2007, p. 331). On peut bien les faire comprendre par le rapport suivant : «  De la même manière, la violence ne renvoie pas à l’impolitique, à ce qui vient contrarier l’ordre politique, mais plutôt à l’apolitique, c’est-à-dire à tout ce qui contraint les hommes, individuellement ou collectivement, à se comporter d’une manière incompatible avec cet être essentiellement et téléologiquement politique qui est le leur. La violence est ce qui est impensable à partir du moment où on a posé la naturalité essentielle de la politique comme détermination de l’humanité de l’homme. » (Ibid., p. 331)

Partant de cette considération, on peut avancer pour dire que tous ceux qui accèdent au pouvoir par la violence politique sont dans « la minorité kantienne ». Pour Kant « Être mineur, c’est être incapable de se servir de son propre entendement sans la direction d’un autre. L’homme est par sa propre faute dans cet état de minorité quand ce n’est pas le manque d’entendement qui en est la cause mais le manque de décision et de courage à se servir de son entendement sans la direction d’un autre. Sapere aude ! [Ose savoir !] Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Telle est la devise des Lumières. » (Kant, Qu’est-ce que les Lumières ?  Trad. J.-M. Muglioni, Paris, Hatier, 2000, p. 4).

 La vraie politique au sens socratique (cf. Gorgias) est un art sans violence, un rapport de la raison et du logos, ainsi que le soutiennentJean-Marie Donegani Marc Sadoun : « La politique n’est pas un élément second surajouté à la société, mais sa dimension constitutive, et si la cité, posée comme le lieu d’affirmation de la raison, engage à la contrainte civile, celle-ci n’est pas violence puisqu’elle s’exerce entre égaux et tend à l’actualisation de leur nature. La politique n’est donc pas liée d’abord à la question du pouvoir mais à celle des conditions de possibilité d’une action raisonnable, celle-ci concernant les êtres parlant et agissant selon le logos. Et l’homme est moins conçu comme un être qui communique avec la voix que comme celui qui discute et délibère avec la parole, capable dès lors de penser le juste et l’injuste » (Ibid., p. 331)

Aujourd’hui force est de le reconnaître, on ne discute plus, on ne délibère pas, on s’oppose, on se rebelle, on conteste, on désobéit même à la volonté générale qui est partout en démocratie la Loi souveraine. Kant à ce niveau de notre analyse a raison quand il « refuse au citoyen le droit de résister et de désobéir au souverain. Car la désobéissance est impensable en ce que la finalité de la communauté politique n’est pas le bonheur, c’est-à-dire la satisfaction naturelle de tous les besoins de l’individu humain en qualité, en quantité et en durée, mais la relation de droit, la sûreté du droit. (Ibid., p. 333-334). La violence à travers ses moyens ou ses instruments : rebellions, putschs militaires, guerres civiles, est devenue l’unique règle de l’action politique. Or, il ne sied pas en philosophie politique d’agir de cette façon quelque soit le motif de l’action défendue, car la violence est toujours l’envers de la politique, c’est-à-dire qu’elle « forclose par l’affirmation de l’ordre politique ». C’est ce sens que Jean-Marie Donegani Marc Sadoun écrivent : « « Le rôle d’une société politique est de retirer aux individus et aux groupements partiels le droit d’user de la force. La violence est l’acte qui vient contrarier la nature politique de l’homme, quelque soit le caractère premier ou second de cette nature. Et en cela l’individu ou le groupe qui l’exerce met la société en péril parce qu’ils sapent le sentiment de co-appartenance sans laquelle la communauté ne peut subsister. » (Ibid., p. 334)

Pour plier cette réflexion disons à la suite de Georges Balandier que le pouvoir aujourd’hui en Afrique repose de plus en plus sur la force militaire, comme moyen et instrument de domination d’une classe sur la majorité. Si la violence comme le pensait Karl Marx est moteur de changer, de transformation révolutionnaire, force est d’admettre que nous sommes dans des violences politiques qui n’accouchent que dalle. Crûment, ces formes de staseis sont des miroirs de notre involution, l’envers de la démocratie. Les Etats tendent inexorablement vers des démocraties de garnisons militaires comme à l’époque des généraux macédoniens (les successeurs d’Alexandre le Grand).

 

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