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PHILOSPARTACUS
19 mars 2013

Repenser les valeurs démocratiques : quand « l’arbre se reconnaîtra-t-il à ses fruits

 

Notre Afrique amoncelle les sempiternels anathèmes de mal gouvernance, de conflits de tous genres que finalement la démocratie au lieu d’apporter le bonheur, n’a fait qu’ouvrir la boîte de pandore. Lorsque partout les esprits plaident pour la paix, la tolérance, l’amour dans le cadre dela résolution des conflits de part le monde ; nous estimons que l’entreprise est noble et gigantesque. Mais que dans le cadre de l’effectivité de ces valeurs et de leur enracinement en Afrique, nous devrons faire l’effort de s’accepter en tant qu’amis (philoi) comme l’a si bien enseigné le philosophe du Jardin (Epicure vers 340-270 av. J.-C.).

Aujourd’hui, au regard des conflits tous azimuts : rébellions armées, guerres civiles, coups d’états, contestations des résultats électoraux (au Kenya par exemple avec l’élection contestable de Kébaky), rébellion au Mali, au Tchad et au Niger, crises sociales suivies de manifestations et de villes mortes, génocide au Soudan, Pirates somaliens, et le pire des maux : le terrorisme djihadiste ; qui assaillent nos sociétés en voie de démocratisation, il nous a paru nécessaire de proposer à l’endroit de nos populations,l’enseignement des valeurs éthiques enseignées par le philosophe du Jardin telles que : l’amitié (philia), la solidarité, la fraternité, le respect de l’autre, l’entraide, l’isotès (égalité), l’eunomia (la bonne gouvernance) etc. L’inculcation de ces valeurs dans le contexte africain peut être l’occasion de faire une refonte des mentalités africaines, afin que la démocratie telle qu’elle se joue en Afrique, puisse se remettre sur les rails.

Nous avons eu l’honneur grâce à notre association de lutte contre la corruption (ANLC/Transparency International, section du Niger) d’observer les élections municipales et présidentielles de Juillet-Septembre 2004 dans notre pays (Niger). A la fin de ces élections, nous avons noté que partout où il y a eu des fraudes et des heurts sanglants, des contestations et des violences physiques, comme celles qui se sont déroulées de manière déplorable au Kenya en 2007 avec son cortège de meurtres des populations, la cause dernière pensons-nous participe de ce manque de prégnance de la culture de l’amitié dans un contexte démocratique. En d’autres termes, les chefs des partis politiques ont péché lourdement d’avoir manqué d’instiller à leurs électeurs ou militants,la valeur de l’amitié dans un système démocratique. Plus exactement, l’idée de contrat (au sens épicurien du terme) qui sous-tend la démocratie, n’a pas été suffisamment articulée à la valeur cardinale de l’amitié entre tous les citoyens d’un même Etat.

Aussi est-i loisible de se demander à la lumière de tous ces maux précités, pourquoi la démocratie a maille à partir avec nos sociétés africaines ? La résurgence des conflits n’est-elle pas la preuve que l’amitié-politique a fait défaut ? D’où ici notre préoccupation essentielle, à savoir comment intégrer dans la pratique l’amitié (philia) épicurienne afin de soigner la politeia démocratique ? Mieux, pourquoi dès qu’on annonce des élections en Afrique, tous les regards sont braqués sur l’Afrique ? Y aura-t-il encore des massacres, des violences ? En d’autres termes, les conflits n’existent-ils en Afrique que pour faire plaisir aux occidentaux ? Faut-il fatalement conclure que les africains ne seront jamais capables de gouverner démocratiquement ? De sécuriser souverainement leurs Etats ?

1 Passé colonial et sous-développement : motifs récurrents, latents et perpétuels des conflits ?

Le premier contact entre l’Afrique et l’Occident n’a pas été comme nous l’enseigne l’histoire, très amical, mais violent, destructeur, déshumanisant. L’Afrique précoloniale reposait sur des valeurs de tolérance, de respect de l’autre, de l’aîné, de l’étranger, sur la fraternité, l’hospitalité. Les sentiments de fraternité et d’amitié étaient tellement encrés dans les comportements, que l’autre, l’étranger (xeno) qui atterrit pour la première fois sur un territoire africain est généralement considéré comme un nouvel ami, qu’il faut connaître et accepter. Cette figure de l’amitié peut parfois aller jusqu’à insérer l’étranger dans la culture, l’initier aux secrets, aux valeurs du groupe. Mieux, s’il le souhait, il pouvait même prendre femme, afin qu’il puisse se sentir comme membre (philoi) de la société.

Or l’enseignement d’Epicure cadre bien avec cette philosophie de l’amitié grecque nous retrouve presque à l’identique dans l’Afrique traditionnelle. Mais paradoxalement cette figure de l’amitié est justement ce qui fait défaut aujourd’hui dans la praxis démocratique africaine, qui peine à s’arrimer avec la pratique démocratique des Etats occidentaux.

Si les colonialistes étaient venus seulement avec cet état d’esprit de don de soi et de partage sincère, il n’y aurait pas eu à notre sens tout ce fatras de violences, de guerres de conquêtes, de déportations et de mépris de la personne humaine. C’est donc dire que dès le départ, un oubli fondamental a été fait. Et si nous voulons véritablement renouer avec la paix, la tolérance, l’amitié et la fraternité, afin de résorber les conflits en Afrique, il faudra hic et nunc commencer par cultiver l’amitié véritable entre les citoyens, qui est à l’opposé de l’amitié intéressée, cupide, hypocrite que nous retrouvons aujourd’hui tant au niveau des groupes politiques, (comme cela a été le cas dans la Rome de Cicéron), qu’au niveau des groupes sociaux (ethniques), qu’entre particuliers.

Il y a de cela quelques années, un éminent spécialiste des problèmes de développement de l’Afrique sonnait l’alarme dans un ouvrage fort remarquable : L’Afrique Noire est mal partie . Cet appel ne sonnait pas seulement le glas d’une catastrophe économique, démographique ou climatique, mais aussi politique. L’expression peut judicieusement et éthiquement s’appliquer à la gestion des démocraties africaines. Depuis les indépendances (1960) jusqu’à la conférence de la Baule (France, 1990) qui a ouvert le rideau de la démocratie pour l’Afrique, le diagnostic été mal fait, car tous les gouvernements qui  étaient arrivés au pouvoir depuis les indépendances jusqu’à l’instauration de la démocratie, n’ont été que des pouvoirs au service d’une classe, d’une minorité de privilégiés, d’où nécessairement un fond non résolus de mécontentements de la grande masse. La misère et les exactions de toutes sortes qu’elle a subies, expliquent et à n’en point douter leur méfiance à l’égard de ceux qui sont au pouvoir. De merveilleuse manière, le maire de Ngonksamba en octobre 1961 (Cameroun) établissait cette vérité cardinale à l’attention de son ministre Assalé : « La masse (le peuple) a l’impression que la souveraineté appartient à une classe de privilégiés qui se coupe d’elle…nous tendons vers un colonialisme de classe »[1]. En clair, depuis 1961 l’Afrique n’était pas sortie de l’auberge. Les nouveaux dirigeants n’ont pas œuvré suffisamment pour faire en sorte que « le passé reste le passé », pour employer une expression chère au guerrier Achille de l’Iliade d’Homère. Les mêmes mauvaises pratiques reviennent comme une sorte d’éternel retour de la mal gouvernance. Les pouvoirs issus de l’indépendance n’ont pas réglé les problèmes de la solidarité et de l’égalité des classes a fortiori cultivé le sentiment de l’amitié entre les populations longtemps divisées par les anciens maîtres : diviser pour bien régner. Le fossé est donc évident entre d’un côté une classe de riches et de l’autre celle des pauvres. D’où la difficulté réelle de parler de bonheur commun au sens aristotélicien du terme.

L’Afrique Noire au sortir des indépendances a accouché de tous les maux. Elle fut confrontée à ce que René Dumont appelle « les maladies infantiles de l’indépendance : malnutrition, maladies, sécheresse… et la colonisation par l’exploitation économique des colonies, n’a fait qu’exacerber les difficultés ». C’est à juste titre que notre auteur ajoute : « le sous développement qui en découle est très grave  pour l’ensemble de l’économie »[2]. En d’autres termes, si les Etats africains n’avancent pas par rapport aux pays modernes, c’est la preuve que le retard hier comme aujourd’hui, est la conséquence directe de l’absence notoire d’industries. Selon René Dumont : « Les pays en retard n’ont pas d’agriculture moderne, les pays à primauté rurale ne mangent pas à leur faim, le retard agricole freine toujours et bloque parfois toute possibilité d’expansion économique rapide »[3]. Dans ces conditions comment peut-on demander à des peuples déjà traumatisés par des décennies de colonisation et d’exploitation économique et culturelle de s’engager dans une démocratisation qui a été au départ faussée ? A fortiori de Mondialisation aujourd’hui ?

C’est un truisme, qu’on ne peut pas faire de la démocratie, de la mondialisation, du développement au sens moderne du terme, avec des peuples qui ont faim, et qui n’ont pas les mêmes moyens technico-industriels que l’Asie, l’Angleterre, la France, l’Amérique du nord par exemples. Voilà peu ou prou, les conditions réelles que les prophètes de la démocratie ont occultées, ainsi que les politiciens et dirigeants africains de tous acabits. Une relecture de ce merveilleux livre qui n’est généralement lu que par les économistes, est aussi utile pour nos politiciens pour se faire une claire vision des vérités ataviques. Si aujourd’hui les dirigeants africains et européens acceptent sournoisement de parler de colonisation positive, il est important de leur brandir cet excellent travail de René Dumont. Pour corroborer tout ce que René Dumont a dit de génial, nous ne prendrons qu’un cas simple : ce n’est un secret pour personne que les universités en Afrique sont en piteux état. Beaucoup d’étudiants africains en France, en Europe sont jetés en pâture, laissés à eux-mêmes, se clochardisent, travaillent dans des plantations, dans des magasins, font les mille travaux d’Hercule rien que pour subvenir à leurs frais d’études. Comment voulez-vous qu’un étudiant qui a durement fini ces études ici en France par exemple, puisse respecter ses dirigeants, ceux qui dirigent l’Etat en Afrique comme leur magasin. Les dirigeants honnêtes et vrais patriotes africains tels que Senghor par exemple, aurait honte de voir ou de savoir que de futurs intellectuels, futurs cadres africains souffrent gravement sans soutien financier de la part de leur Etat.

Nous considérons qu’aujourd’hui, une nouvelle politique d’encouragement et de financement pour les étudiants en Master et Doctorat doit guider les nouveaux dirigeants africains ; autrement tous ceux qui finiront leurs études en Europe et ailleurs, iront faire le bonheur des Etats qui respectent la connaissance. Il faudrait nécessairement que les dirigeants africains respectent d’abord leurs citoyens avant que les autres les respectent. Quand, des étudiants sont humiliés pour cause de non renouvellement du titre de séjour, et qu’aucun dirigeant africain ne bronche pour dire que ça suffit ; nous sommes condamnés à acquiescer notre dépendance politique vis-à-vis de l’occident. Les étudiants africains (les Etrangers) ne sont pas respectés en Europe parce leurs propres dirigeants ne sont pas respectables.

A ce point de notre analyse, il est bon de souligner  fortement que les responsables du retard de l’Afrique d’aujourd’hui sont tout désignés : l’homme noir etl’homme blanc. R. Dumont avance pour dire très clairement que : « trop d’européens ont tendance à rendre l’homme noir, vite baptisé par eux de « primitif » (sinon de paresseux, voleur, menteur…) entièrement responsable de son retard, de tous ses maux. Nous oublions aisément quedepuis des siècles l’homme blanc a exploité sans vergogne cecontinent noir, surtout par l’esclavage et le commerce de la traite, suivi de la colonisation »[4]. A l’évidence, ce retard qui est long à rattraper, a eu des répercutions évidentes sur la bonne marche de la démocratie, et est à la base des résurgences des conflits multiformes. C’est donc à ce retard que nos politiciens doivent s’atteler s’ils veulent bien fonder la démocratie. Les dirigeants africains sont aujourd’hui coupables, responsables de cette situation catastrophique de l’Afrique par rapport aux défis du millénaire : pauvreté, maladies, l’éducation, vie décente, etc.

Eu égard donc à ce tableau peu reluisant de notre Afrique, de son retard, le responsable n’est pas « Allah » ou le climat qui ramène très souvent des cycles de sécheresses, de famines, mais une fois encore les dirigeants africains, qui refusent de faire face aux difficultés, mais attendent continuellement l’assistance de l’occident. La conférence de la Baule confirme ce besoin atavique des africains de se nourrir constamment du lait de la métropole, à attendre tout de l’Occident. Voilà pourquoi en essayant de copier toujours la métropole, nos dirigeants ont accepté à leurs risques et périls cette démocratie qui ne sait rien des réalités africaines, un peu à la manière d’un Hegel qui clame l’anhistoricité de l’Afrique (cf. La Raison dans l’Histoire) ; alors qu’aujourd’hui les résultats des travaux sérieux de René Dumont dans L’Afrique noire est mal partie, ou de Cheik Anta Diop : Nation Nègre et Culture permettent de récuser la thèse selon laquelle l’Afrique est condamnée à subir le modèle uniforme de l’Occident. Ce fut de l’ignorance impardonnable. Le discours de la Baule n’a fait que permuter les termes new look : démocratie = colonisation. Pire, le défunt président Mitterrand savait bien que les africains n’étaient pas prêts pour la démocratie, pour sa démocratie à lui, car restaient non résolus les difficultés issues de la colonisation : économiques, sociales, ethniques, comme le soulignaient Christian Casteran, Jean Pierre Langellin : « Cette attitude complice porte en germe, bien des drames »[5].

La démocratie en tant que politeia (régime/constitution) est effectivement dans son idéal, cette flamme généreuse dont parlait Voltaire, qu’on allume chez soi et qu’on aimerait voir également briller chez les voisins. Mais l’Afrique n’est pas encore dans notre entendement le voisin que s’imaginait Voltaire, car l’Afrique n’a pas eu les mêmes conditions historiques dans l’avènement de la démocratie : révolution, guillotine des révolutionnaires et de monarques. L’Afrique est une autre réalité, une autre histoire, des mœurs différentes. Vouloir acclimater vaille que vaille les institutions africaines avec les modèles occidentaux, c’est justement créer des tensions et des conflits, ainsi que nous l’observons clairement et grandement un peu partout en Afrique. Si on se met en surplomb sur les événements des deux dernières décennies, on recevra la nette impression que cette démocratisation a été commandée pour faire voir à la face du monde, que les africains seront toujours incapables d’avancer politiquement et économiquement sans l’aide des anciens maîtres.

L’Afrique, après la grande vague d’indépendance, reste toujours dans ce vieux cliché de continent qui traîne les pantoufles. Le passé colonial nous suit-il comme une ombre, comme une peste ?Il nous semble que c’est ce mal collé à notre histoire (comme les fesses rouges d’un vieux singe) qu’il faut d’abord prendre en charge, en résolvant prioritairement cette triptyque : oppression, l’injustice, pauvreté. C’est à cette seule condition qu’on peut persuader, convertie le regard des citoyens à respecter l’Etat et à s’accepter entre eux. Christian Casteran, Jean Pierre Langellin, esquissant un tableau de l’Afrique avant la démocratie, font voir qu’ « en Afrique l’injustice et la misère existent partout, elles ont mille visages : paysans du sahel, victimes de la sécheresse, squelettiques et dépossédés ; ouvriers de Soweto, frileux et tristes de la nuit de l’hier austral ; jeunes chômeurs de Tunisie, emmitouflés dans leurs amples burnous noirs, attablés aux terrasses où ils tentent d’oublier les duretés de l’existence (…) » (op.cit, p.147). Ces faits, ces réalités crues de l’Afrique que nous révèlent nos deux auteurs datent d’avant l’avènement de la démocratie. Aujourd’hui force est de le reconnaître, ces situations se sont aggravées d’un pays à un autre. En Afrique tropicale disait un des meilleurs spécialistes du tiers monde Gérard Chalian : « Plusieurs couches sociales sont visibles durant la période coloniale : les agents du pouvoir colonial, sous une forme politique et économique, les élites lettrées de type moderne, les planteurs riches, les commerçants et petits entrepreneurs, les travailleurs salariés. Une nouvelle stratification s’est ébauchée, que l’accession à l’indépendance a considérablement accéléré »[6] ; ces pays sont : Cameroun, Congo, Centrafrique, Côte-d’Ivoire, Bénin, Gabon, Haute Volta, Mali, Mauritanie, Madagascar, Niger, Sénégal, Tchad, Togo (Op.cit., p 53-58). Ce sont ces privilégiés du système qui sont jaloux de leur nouveau statut qui s’agglutinent autour de tout nouveau pouvoir pour préserver, ou augmenter leur niveau de vie, et que parallèlement, la grande couche continue de vivre mal et de désespérer. Hier comme aujourd’hui la misère se « tentaculise ». C’est pourquoi, et naturellement, certains citoyens de ces couches  conscients de cette injustice sociale et économique, revendiquent à chaque époque plus de justice, d’équité au sens Rawlsien du terme, plus de vie décente pour l’ensemble des citoyens. Ce sont ces soubresauts généralement légitimes qui sont devenus dans l’Afrique des démocraties,les causes toujours latentes de conflits : revendications salariales, grèves des étudiants, soldes des militaires (intrusion de l’armée dans la politique). Un tel type de développement à deux vitesses engendre inéluctablement le sous-développement, car en réalité le peuple « d’en bas » ne profite pas des richesses créées, ni des équipements utiles pour le développement technique. C’est en gros plus de dépenses de prestiges, superfétatoires, que de dépenses d’utilités publiques. Pour toutes ces raisons, il est bon de dire que cette situation de sous-développement occasionnée tant par l’Occident qui affecte des fonds à des dirigeants inconséquents, sans savoir où l’argent est utilisé, que par nos dirigeants participe tout simplement d’un mépris du « bien-vivre» (eu zen) aristotélicien pour leurs citoyens. D’où le retard et les répercussions de tels comportements sur la démocratie.  Le défunt président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor rapportait à ce propos  une très belle anecdote : « Après les indépendances, la sagesse et notre intérêt nous commandaient de ne pas couper le pont…, les anciens colonisateurs étaient les plus à même de nous moderniser » ; mais il poursuit pour montrer le paradoxe des africains : « Sous le régime colonial, on pouvait contester, on avait le peuple avec soi. Aujourd’hui, on est colonisé et on ment au peuple en disant qu’on est libre »[7]. Ces propos montrent à quel point la démocratie ne fait pas bon ménage avec le mensonge. Un peuple qui est sorti de la misère du système colonial, ne peut pas continuellement accepter qu’on lui mente. Or déjà, le discours de la Baule prononcé par le défunt président Mitterrand est stricto sensu le pire des mensonges, en établissant que développement = démocratisation.

Les leaders africains, voire les intellectuels à la solde des politiciens occidentaux avaient connaissance de ces données des chercheurs, et spécialistes du bateau Afrique qui était vraiment mal en point, pour oser faire un saut périlleux dans le système démocratique. Les données sont pour tout dire, très catastrophiques, apocalyptiques : c’est crûment comme si vous enfoncez quelqu’un qui est déjà noyé, il ne peut que flotter.

 Les travaux de ces éminents experts sont généralement commandés par les dirigeants africains afin de solliciter des fonds au développement auprès de certains organismes financiers. Avec le recul, nous estimons que les dirigeants africains et la conférence de la Baule ont ourdi un complot contre l’Afrique, à cause des prébendes. L’Occident savait que les africains n’étaient pas mûrs pour la démocratie. Il fallait alors ruser, menacer, poser des conditionnalités : démocratie et bonne gouvernance = aide banque mondiale. Il est donc manifeste au regard des troubles multiples engendrés par la démocratie, que l’Occident a tout simplement enfoncé le poignard dans la colonne vertébrale de l’Afrique, pour la ployer encore et toujours sur sa domination, pour pouvoir intervenir à tout moment en cas de troubles : en Côte-d’Ivoire, au Tchad, en Libye, et aujourd’hui dans la guerre contre le terrorisme au Mali.

L’aide financière  miroitée à la Baule avait pour but d’encourager les Etats africains à la paresse, à la corruption, à l’incompétence (la médiocratie), au lieu de les laisser chercher par eux-mêmes, les nouvelles voies de développement pour l’Afrique Cette stratégie de démocratie-développement fut un leurre, une source de gabegie, et par voie de conséquence « catalyse » en bas le mécontentement du peuple qui ne se retrouve plus dans cette démocratie qui lui miroite des pseudo valeurs de justice, de liberté, d’égalité, de respect et de la dignité de l’autre, de bonheur en gros. Or, sur tous les plans, c’est le statu quo. Sommes-nous dans les illusions des valeurs ? Dans le crépuscules des idoles ?

 2.  Amitié et Citoyenneté.

 

La démocratie en tant que « contrat » au sens Rousseauiste et Lockien du terme est tout le contraire de la violence, des conflits, de la xénophobie et des génocides qui ternissent l’image de cette Afrique berceau de l’humanité.

Lorsque l’Europe est confrontée à des crises majeures, elle revient toujours à la sagesse des anciens, notamment à cette sagesse incontournable des Grecs. Pourquoi donc ce qui a été utile pour l’Europe dans cette recherche de voies ou de solutions, ne le serait-il pas pour l’Afrique ? C’est-à-dire ce que les économistes appelleraient une formule, ou un modèle. Etles modèles, nous le savons, sont la marque même des Grecs. Ils ont produit et appliqué des modèles. Pour notre Afrique qui piétine, qui ‘‘se constipe’’ dans un modèle qui ne lui sied pas bien, il est temps de repenser cette démocratie, en l’articulant à la paideia de l’amitié. Nos citoyens dont la plupart sont analphabètes, ont-ils seulement besoin de toutes ces chartes des droits pour être heureux, ou comprendre les principes du jeu démocratique ? Les citoyens en Africains on surtout besoin politiquement de modelage, de façonnage de leurs comportements vis-à-vis d’eux-mêmes et de leur rapport à la res publica (la chose publique). C’est-à-direrecréer les conditions paisibles d’une existence véritable fondée sur l’amitié et la tolérance, un modèle de société à la philiacratia épicurienne.

Tous les régimes politiques qui ont applaudi l’avènement de la démocratie à nos yeux n’ont pas été sincères avec eux-mêmes, et avec leur peuple, car beaucoup n’ignoraient pas à l’intérieur le « magma de tensions », de problèmes qui s’échaudaient. L’accent n’a pas été mis comme en Occident dans l’éducation civique des citoyens, afin de faire table rase de tout ce qui s’était passé, et faire dans le même élan, une sorte de pardon ou concrètement decontrat authentique fondé sur la valeur de l’amitié. Si les citoyens ne s’aiment pas aujourd’hui en Afrique, c’est la preuve pour nous qu’il faut revenir à cette sagesse de l’amitié enseignée par le sage du Jardin qui disait : « De tous les biens que la sagesse procure pour la félicité de la vie tout entière, de beaucoup le plus grand est la possession de l’amitié »[8]. Autrement dit, pour employer une phraséologie platonicienne : l’amitié est le bien immortel par excellence. Chaque démocratie aujourd’hui doit l’articuler dans sa politeia (constitution), si elle veut véritable créer les conditions de la paix et du développement. C’est ce vecteur fédérateur que la conférence de la Baule à nos yeux a occulté, lorsqu’elle a dictée à la va-vite la démocratie aux africains.

 L’Afrique n’est pas maudite, et la jeune génération des après indépendances sommes convaincus que de nouvelles idées sont utiles pour sortie l’Afrique de ce faux cliché de continent qui « refuse le développement ». Les Grecs disaient que le modèle vient du héros. Aujourd’hui nous dirons que l’élite africaine doit être le porte flambeau de ce grand challenge : une Afrique qui doit travailler et refuser l’assistanat. C’est à la nouvelle génération qu’il reviendra la mission d’emmener l’Afrique dans «l’âge de la majorité » Kantienne.

Par ailleurs, lorsque la démocratie se joue mal ou se porte mal, il revient à la société civile (média, syndicats, les ONG, les associations…) de s’investir activement pour garrotter l’hémorragie. Au Niger par exemple, la société civile joue un rôle de premier plan dans la lutte pour une démocratie respectable, en dénonçant ouvertement et vertement tous les comportements antidémocratiques du pouvoir en place : injustices, corruption, détournements des fonds publics, les marchés gré à gré, les arrestations arbitraires des journalistes, etc. Autant d’actes donc visiblement qui méprisent le bonheur des citoyens, a fortiori la constitution. C’est pourquoi, aujourd’hui, la société civile doit intégrer dans sa lutte pour une démocratie humaine, cette pédagogie de l’amitié entre les citoyens, afin d’atténuer ou d’endiguer les conflits inutiles qui retardent le développement des Etats africains. Par cette démarche, on pourrait sans mensonge réexpliquer aux citoyens que si nous sommes tous égaux devant la loi, nous sommes en définitive des amis (philoï) communs devant cette même loi, qui doit permettre à chaque citoyen de vivre heureux. A terme, la démocratie ne peut aller de l’avant, si les citoyens (gouvernants et gouvernés) sont méfiants les uns envers les autres. La bataille est certes rude, mais ne dit-on pas que « les choses sont difficiles parce que nous n’osons pas ? ». Nous avons foi en cette société civile où se retrouvent pour le combat commun, intellectuels, étudiants et des individus de tous les horizons, qui sont optimistes pour une Afrique nouvelle qui fera de l’amitié entre tous les citoyens, son leitmotiv.

3. Du déshonneur des conflits.

 

La jeune génération issue de la « middle period » [indépendance-démocratie] ne peut qu’être dépitée face aux conflits qui déchirent le continent africain. Si on peut accepter que les grands empires africains (ceux du Mandingue, du Ghana, du Dahomey, des Zoulous, etc.) ont brillé dans leur ambition expansionniste à présenter une image grand-guignolesque, barbaresque du continent noir, il ne sied pas aujourd’hui que des dirigeants élus démocratiquement par leurs citoyens et par des observateurs internationaux redéveloppent cette image déshumanisante de la violence et des conflits.

L’Afrique d’aujourd’hui a fait un grand pas de géant en se déconnectant grâce à la démocratisation des institutions, de certaines entraves telles que les coutumes et les traditions, qui ont sous certains angles retardé son développement. De nouvelles valeurs ont concouru à cette métamorphose de l’Afrique : l’Internet, l’informatique, la téléphonie, l’expérience répétitive des suffrages, etc.

Cette Afrique, avec ses populations qui s’adaptent vite aux progrès et aux nouvelles valeurs, peut aussi apprendre à cesser les conflits inutiles (entre ethnies, partisans des partis politiques, entre Etats, religieux, manifestations violentes des étudiants, grèves des syndicats, djihadistes contre démocrates, etc.). Il y a donc, force est de le reconnaître du travail pour nos dirigeants et nos élites, au lieu de trafiquer ou voler les pauvres deniers de nos Etats.

Les conflits en Afrique, en tant qu’ils sont des sources de problèmes pour le développement de l’Afrique, occasionnent des pertes de temps pour le progrès de la démocratie. On a donc toute raison d’avancer qu’aussi longtemps que ces conflits ne sont pas traités avec le sérieux qu’il faut, l’Afrique sera toujours en retard sur les autres continents. Avec la multiplication des conflits intempestifs en Afrique, les événements risquent de donner raison à Hegel, lorsqu’il soulignait dans La Raison dans l’Histoire que, l’Afrique est un continent anhistorique.

Par ailleurs, le manque de sérieux de nos dirigeants par rapport à la gestion économique de l’Etat, crée de plus en plus d’hésitations de la part des institutions financières à apporter leur aide aux Etats fragiles. Ces institutions ont donc raison aujourd’hui de différer leurs aides, de choisir l’Europe de l’Est ou l’Asie, car en Afrique nous choisissons toujours des « dirigeants alimentaires » qui perpétuent toujours les mêmes erreurs, les mêmes médiocrités : mal gouvernance, gabegie, non respect des libertés, injustice, conflits de tous ordres. De l’extérieur, un observateur étranger peut légitimement conclure que ce continent est vraiment et incroyablement à l’envers.

 Ainsi, les conflits qui assaillent l’Afrique, nonobstant l’érection de la démocratie participent à n’en point douter du mauvais choix de nos dirigeants. La médiocrité ou l’incompétence de nos dirigeants traduisent dans les faits, leur acrasie (absence de volonté), à prendre concrètement ces conflits en charge, à les régler efficacement.

D’Héraclite à Karl Marx, nous savons que la violence (conflits, la guerre, la révolution, la contradiction ou la lutte) est l’accoucheuse de toute vielle société en gestation. Toutefois eu égard aux conflits qui sévissent en Afrique, nous regrettons que cette théorie ne soit pas efficiente en Afrique. La violence est régressive en Afrique. En effet, ces conflits loin d’être utiles pour des transformations profondes et notables, entraînent au rebours des reculs pour l’Afrique. Bref, le train du progrès a changé de rails, les conflits ont désorbité l’Afrique. L’Afrique aujourd’hui apparaît du fait des conflits interminables, comme un continent qui n’a plus d’intérêt, c’est-à-dire en termes d’investissements de capitaux étrangers. Nous sommes dans des régimes démocratiques potentiellement dangereux, où tout peut arriver en bien comme en mal. Pour prendre un exemple simple : au Niger, il y a eu l’assassinat d’un président, sans que cet acte serve de leçon pour les politiciens et les militaires. Le pays empêtre toujours dans des crises, des journées villes mortes, des grèves de syndicats, des coups d’Etats, etc. Il appert donc aujourd’hui une incapacité notoire des dirigeants à maîtriser le gouvernail du pouvoir ; car leurs intérêts sont opposés aux besoins et aspirations du peuple. Le peuple, grâce à la force mobilisatrice de la société civile, arrive de temps à autre à arracher quelques droits au pouvoir. Mais il reste et demeure que ces crises, ou ces conflits grippent la machinerie du pouvoir. D’où, la nécessité de redéfinir le choix des dirigeants en Afrique. Autrement dit,n’importe qui doit-il être au pouvoir ? Faut-il toujours revenir à l’éternel recommencement ?

Cette situation de blocages liée aux mauvais comportements des dirigeants africains permet de comprendre la légitimité des « villes mortes » et de leur efficacité vis-à-vis de tels gouvernements incompétents, et consécutivement de corroborer la thèse d’Hannah Arendt lorsqu’elle souligne si bien que : « Des campagnes de désobéissance bien organisée peuvent avoir une efficacité remarquable pour obtenir les modifications juridiques que l’on peut estimer désirables. »[9]. Autrement dit,il y a conflits ou crises, du fait que les dirigeants sont les premiers à violer les lois. Ce qui se passe en Afrique (en Côte- d’Ivoire, au Tchad, au Soudan, Somalie), sont les preuves éloquentes qu’un peu partout, la situation de la gestion de l’Etat est loin d’être reluisante. Mieux, elle brille par un affaiblissement réel, liés à ces formes de conflits précités. Les représentants du peuple eux-mêmes ont failli à leur mission. Il est rare de trouver des députés, des représentants modèles qui peuvent se battre pour les intérêts de leurs régions, de ceux qui les ont élus, ils n’ont pas ce courage d’aller jusqu’à l’ultime sacrifice. C’est pourquoi, le déficit de confiance des citoyens vis-à-vis de leurs représentants, est de ce point de vue légitime, toutes les fois aussi qu’ils peuvent désobéir à l’autorité qui fait fi de leurs intérêts, ils agissent alors en véritables citoyens.

A la vérité donc, faire de la politique aujourd’hui, c’est arrêter de raconter des sophismes aux peuples africains. Car, eu égard aux conflits qui coulent comme des laves, il urge de travailler à ramener coûte que coûte la paix, la sécurité et la sérénité dans nos Etats. La tâche herculéenne que devraient faire les dirigeants africains, c’est le retour de la paix et de la sécurité sur le continent. Pourquoi la Chine qui est de loin plus peuplée que l’Afrique, arrive à être exempte de crises ou de conflits? C’est pensons-nous parce que le malheur de l’Afrique ou la tare des Etats, est d’avoir toujours choisi de mauvais dirigeants. Tant que la paix (au sens du jardin d’Epicure) n’est pas revenue dans les démocraties, la liberté ne saurait s’épanouir. D’un mot, les dirigeants doivent cesser de mentir au peuple, et de passer à l’action, s’ils veulent se récupérer la confiance de leur peuple.

Mais ce qui est affligeant de la part des dirigeants africains, c’est que leur mauvais comportement est dû à une insuffisance de la culture des idées politiques. Si on veut gouverner un Etat, c’est trivial de le rappeler depuis Platon jusqu’à Aristote, en passant par Machiavel et Jean Jacques Rousseau, il faut avoir la science de l’Etat. En d’autres termes, il faut être compétent si on veut diriger un Etat. Et en Afrique, nous sommes très loin de ce critère élémentaire de l’exercice de tout pouvoir. Car, même si nous voulions et devrions appliquer des modèles, le minimum, c’est d’être capable de savoir, c’est-à-dire de savoir appliquer les modèles politiques à nos réalités. Pour parler comme Spinoza, il faudrait que l’idée soit adéquate à la réalité. Beaucoup de nos dirigeants en effet, et c’est regrettable, ne lisent pas, et rares sont ceux qui savent ce que John Locke, Rousseau, Kant, John Rawls, ont dit ou écrit sur le pouvoir, a fortiori Nietzsche qui méprise la démocratie.

Il y a un machisme propre à nos pouvoirs en Afrique, qui fait qu’aussi longtemps que ça perdure le peuple n’adhérera jamais à la démocratie ni aux autorités : quand en effet, toutes les lois se prennent contre le peuple pour le pressurer, l’accabler de hausses de prix à tous les niveaux : pain, carburant, l’eau, médicaments, impôts, scolarité, baisse des  salaires, etc., il est loisible d’accepter avec Hannah Arendt que : « Celui qui viole les lois en vigueur (délibérément) doit consentir à son propre châtiment. » Autrement dit, le pouvoir aujourd’hui représenté par la société civile doit protester au risque d’user de la violence contre les décisions arbitraires des autorités. Nous pouvons donc accepter et dire à la suite de Hannah Arendt qu’aujourd’hui l’Etat est responsable dans la grande majorité des cas des conflits qui sévissent en Afrique. En effet, nonobstant leur légitimité reconnue par les urnes, les autorités en Afrique n’œuvrent pas pour le bien-être des citoyens. Mieux, pouvons-nous dire, il y a un véritable complot, un putsch contre le peuple, qui n’est plus dépositaire de la souveraineté.

Ceux qui critiquent ou désapprouvent les mauvais agissements des autorités politiques en Afrique, sont systématiquement indexés comme des opposants, même s’ils n’appartiennent à aucun parti politique. Or la liberté, justement en ce siècle où on estime que tous les continents sont sortis de la caverne de Platon pour jouir des lumières de la mondialisation, est loin d’être effective. La loi, ou les lois sont faites pour arranger une catégorie du peuple, car l’exercice du pouvoir est commandé par des intérêts de partis politiques, ceux qu’on appelle proprement les « partageurs : on investit en politique pour gagner comme au loto ou au jack pot. D’où l’adoption dans les Etats africains de lois toujours impopulaires rien que pour satisfaire des amis politiques. Ce sont de tels comportements vis-à-vis des lois qui occasionnent cette suite infernale de manifestations, de contestations, de troubles de tous genres, qui nous rappellent un tant soit peu, les crises et les troubles que la cité grecque a connus après le déclin de la démocratie, et la disparition d’Alexandre le Grand au IVe- IIIe siècle av. J.C. C’est dans cette optique que Hannah Arendt peut véritablement souligner que : « Tout affaiblissement du pouvoir est une invite manifeste à la violence, ne serait-ce que du fait que les détenteurs du pouvoir sentant qu’il est sur le point de leur échapper, ont toujours difficilement résisté à la tentation de le remplacer par la violence. »

Pour Friedrich Von Hayec : « La démocratie est devenue un fétiche : le dernier tableau sur lequel il est interdit de s’interroger ». Idée en effet très audacieuse, au regard de l’engouement aujourd’hui de tous les Etats du monde à s’affilier à ce modèle unique de gestion de l’Etat. Or justement, à la lumière de ce qui se passe en Afrique, notamment les conflits divers, les injustices tous azimuts, les violations des droits de l’Homme, il est loisible de la remettre en cause. Est-ce une tare inhérente au modèle lui-même, ou une incapacité des dirigeants africains à l’appliquer vertueusement ?

Depuis la Baule (la conférence), nous savons que certains politiciens occidentaux proches de Mitterrand qui a précipité les africains à adhérer à ce type de gouvernance, savaient que le continent africain n’était pas prêt, voire mûr pour la démocratie. C’est pourquoi nous pouvons dire qu’il y avait eu « un érotisme macho » qui a préludé au diktat de la démocratie. L’Afrique du fait des conflits que la mal gouvernance démocratique a occasionnés, devrait honte d’elle-même. Guy Hermet dans son ouvrage intéressant : Démocratie et culture, disait bien que la démocratie a ouvert la boîte de pandore de tous les conflits ou troubles que nous constatons ici et là en Afrique. Avec les indépendances qui n’ont rien apporté comme dirait le Fama Doumbia des Soleils des indépendances d’Amadou Kourouna, s’ajoute la démocratie avec son cortège de coups d’Etat, d’assassinat de journalistes, de guerres civiles et religieuses, de terrorisme djihadiste. D’un mot, ce continent va mal. Les dirigeants africains sont toujours dépendants des injonctions de la métropole ou des institutions financières. C’est pourquoi, la jeune génération, s’inquiète : a-t-elle effectivement un avenir ? L’espoir peut-il revenir ?

En partant du concept nietzschéen de la volonté de puissance, nous estimons qu’il ne faut pas tomber dans le pessimisme de la vielle Afrique. Il y a une nouvelle génération en marche, qui représente la nouvelle sève, la nouvelle intelligentsia qui doit représenter valablement l’Afrique, afin que les jeunes qui arrivent n’aient plus honte de leurs aînés ni de leur Afrique. L’Afrique n’est pas maudite, nous avons beaucoup de valeurs nobles à défendre et à assumer devant les autres nations quel que soit notre retard ; car le retard est un terme vague en Afrique, car on peut toujours rattraper le retard. Il faut donc que les dirigeants nouveaux (Nietzsche dira les hommes de l’avenir) que nous irons élire dorénavant, ne soient plus des délinquants politiques, des voleurs du trésor public, mais véritablement des dirigeants qui mettrons assez de zèles et de moyens pour aider les jeunes africains qui étudient où qu’ils se trouvent. Des étudiants en effet qui pour cause de manque de bourse sont réduits à travailler comme des forçats dans des boulots qui rabaissent leur vocation. Nous qui avons galéré justement dans de telles conditions, savons maintenant que les jeunes qui arrivent dans ces mêmes conditions devraient retrouver de meilleures conditions d’accueil et d’études. Il faut que dorénavant, l’africain qui vient étudier cesse d’être gardé comme un primitif, un nécessiteux ou un naufragé. Il faut redonner, insuffler aux jeunes une nouvelle flamme afin de leur permettre de réussir efficacement leurs études ; les encourager comme la Chine le fait pour ses étudiants, ; pour que les étudiants africains à l’étranger n’aient plus honte de l’Afrique. Par cette prise de conscience des raisons intrinsèques de notre drame politique. Les jeunes sont dépités par la mal gouvernance en Afrique. Il ne suffit pas de faire des révolutions comme en Afrique pour encore régresser, mais nous devrons aujourd’hui relever l’éléphant Afrique qui est accroupi à cause des mauvais comportements de nos dirigeants.

Ce challenge est possible, et l’occident est conscient que l’Afrique n’est pas brisée, elle est juste accroupie comme Soundiata Keita (le lion du mandé, empereur du Mali). Elle doit faire aussi son grand pas de géant, et à partir de cet instant, tous les animaux de la forêt sauront que le lion est revenu. L’Afrique a été le berceau de la civilisation, et il n’est pas normal pour nous jeunes de la « Middle period » que cette vérité soit juste une profession de foi. Il y a une force inouïe d’intelligences Africaines ici en Europe (la Diaspora) et disséminée un peu partout dans le monde. Lorsque ces intelligences vont reconverger vers l’Afrique, il va se produire comme en Grèce, le renouveau africain. Renouveau qui n’est pas à exactement un « miracle » grec ou Japonais, mais le fruit de beaucoup de patience, de frustrations accumulées, d’expériences et de volonté de puissance Africaine. Autrement  dit, c’est le Sphinx qui renaît de ses cendres. Si plus haut nous faisions allusion à Nietzsche, c’est parce que nous estimons que même les peuples affaiblis par les dégâts de l’histoire, portent en eux, et de façon souterraine cette volonté de s’affirmer. Cette réalisation prendra le temps qu’il faudra, mais elle adviendra. C’est pourquoi Nietzsche reconnaît qu’elle a besoin de maladie, de souffrance, d’écartèlement, de fragmentations. Et dans cette optique, tous les conflits que nous vivons aujourd’hui, en termes de douleurs, de souffrances sont autant de maux, qui lorsque nous prendrons les intelligences et les décisions qu’il faut pour les éradiquer ; il est alors possible de donner raison au Gai Savoir de Nietzsche qui a annoncé ce grand événement. Il  est donc clair pour celui qui sait entrevoir dans les abîmes de tout ce que la démocratie a apporté de terribles, de « pathos » en Afrique, que la patience qui est une des vertus cardinales de l’Afrique, permettra de supporter cette souffrance et de la transformer un jour en « miracle africain ». Et dans cette approche, nous nous permettrons de répondre simplement à Axelle Kabou qui s’interrogeait si l’Afrique avait besoin de développement ?

Il faut dire hic et nunc que ce continent a autant besoin de développement que n’importe quel autre continent. Mais que ce qui a manqué à ce grand continent des grands empires, ce continent des matières premières qui font le bonheur de l’occident, qui a mobilisé ses braves tirailleurs pour défendre la liberté des français, le berceau du premier homme : la terre de Lucie ; bref de Senghor, de Cheikh Anta Diop, etc., ce sont des dirigeants sérieux. Ceci pour dire que la misère, ou la pauvreté en Afrique n’est pas une calamité, ou une malédiction, mais elle est politique. Elle n’est donc pas irrémédiable. Le sous-développement sous l’angle politique où nous nous inscrivons, n’est pas une tare collée à l’Afrique.

La politique au sens où l’entendent les Grecs, en tant qu’elle est la gestion de la cité ou de l’Etat, nous interdit d’être égoïste. Car diriger, c’est s’occuper du bien-vivre (euzen) et du vivre ensemble (suzen), du bonheur commun. Or nos dirigeants, pour la plus part n’ont pas cette éthique, d’où derechef le drame. Celui qui en effet n’aime pas les intérêts de son peuple, ne peut pas faire de la politique. Les  hommes politiques en Afrique manquent d’éthique, raison pour laquelle ils n’ont pas de vergogne à dilapider les maigres moyens de l’Etat, où d’engager vraiment des politiques de grands travaux comme aux Etats-Unis pendant la crise de 1926. Si tous les ministres, les préfets, les maires, bref tous ceux qui ont des responsabilités vis-à-vis des populations travaillent en âme et conscience, beaucoup de choses sont possibles, réalisables en Afrique.

Tout bon africain sait que le peuple africain n’est pas compliqué. Il a juste besoin d’un minimum pour vivre, pour se sentir en confiance avec ses gouvernants. C’est cette confiance que les  « dirigeants-criquets » ont grignoté, détruit ; de sorte que les valeurs de la démocratie apparaissent comme de la fumée, parce dans le langage de l’africain, les valeurs de la démocratie, c’est pour celui qui n’a pas faim, c’est pour ceux qui sont partis à l’école. La grande masse étant analphabète, il faut en tenir compte pour adapter l’exercice du pouvoir à ce qu’Epicure appelle « l’utile », c’est-à-dire ce qui est conforme aux besoins et aspirations du peuple. Depuis Aristote, nous savons que la fin de l’Etat est de permettre l’épanouissement des citoyens. Ceci pour dire que les institutions ont pour mission de créer les conditions les meilleures pour le bien-vivre. Aristote écrit en effet que : « C’est dans la cité pleinement constituée qu’il (le citoyen) trouve l’épanouissement de sa personnalité et l’accomplissement de sa destinée. »[10].

Il suit donc que s’il y a mal gouvernance, crises multiformes en Afrique, avec son lot de violations des droits des citoyens, c’est parce qu’il y a eu, et pour paraphraser Frédrich Von Hayec, mauvais fonctionnement de la démocratie dans les Etats africains. Autrement dit, si nous nous inscrivons dans la pensée de Frédrich Von Haye, nous avons tout simplement glissé par non respect de la constitution, pour prendre pieds dans des régimes pseudo-démocratiques. Mais le terme qui leur siérait bien est : l’autocratie, qui est à exactement parler le retour du refouler, c’est-à-dire l’érection de systèmes autoritaristes,  rétrogrades, qui profitent à ceux qui sont encore restés nostalgiques des pouvoirs forts des années des indépendances. Ce sont de tels modèles qui transparaissent à travers nos démocraties aujourd’hui, d’où les difficultés réelles à respecter les libertés ou les valeurs que prône la démocratie de type occidental au sens de John Rawls.

Si Alexis de Tocqueville s’est toujours inquiété sur la transformation de la démocratie en tyrannie de la majorité, aujourd’hui nous pensons que l’inquiétude vient surtout de l’usurpation du pouvoir ou de la souveraineté par une assemblée cupide et véreuse ou par les militaires. Il y a pour dire crûment les choses, confiscation du pouvoir par un groupuscule, une sorte de camarilla politique, pour qui le bonheur du peuple est le ‘‘cadet’’ de leurs soucis. Pour prendre un exemple : au Niger en 2005, lors de la famine qui a emporté beaucoup d’enfants et de personnes âgées, les autorités avec une nonchalance méprisante ont minimisé le drame, en attendant comme toujours que l’opinion internationale se focalise sur l’événement pour faire par la suite un semblant de réaction, et profiter de l’aide apportée aux populations affectées. Cette attitude est la caractéristique des pouvoirs cupides, mafieux et corrompus. C’est pourquoi, à nos yeux Murray Rothbard, maître à penser de F.V. Hayec a raison de définir admirablement l’Etat comme : « Une association d’individus qui se sont mis d’accord entre eux pour se faire appeler Etat ». Cette définition cadre merveilleusement à nos Etats dits démocratiques ; dans l’exacte mesure où les alliances, les accords ou autres formes de compromis qui se nouent après les élections, entre les partis politiques pour se partager le gâteau-pouvoir nonobstant leurs divergences d’opinions, participent de cet état d’esprit malsain et pernicieux de nos dirigeants. D’où le dégoût des électeurs qui redécouvrent amèrement le vrai visage de leurs dirigeants. Le pouvoir a beau utilisé des intellectuels à la bouche mielleuse pour expliquer, la nécessité de certaines lois ou réformes, il reste et demeure que les populations qui sont suffisamment enfoncées dans la pauvreté ne peuvent plus se contenter de beaux discours. Elles ont surtout besoin, pour le cas du Niger que l’Etat rehausse le salaire des fonctionnaires, de redorer l’image de l’école en général, de donner plus de moyens à l’université, d’améliorer la santé, d’accorder plus de facilités d’importations aux commerçants, afin que les denrées alimentaires et les  produits d’équipements soient accessibles plus facilement, etc., etc.

Si ces quelques conditions, à ne citer que celles-là, ne sont pas réunies aujourd’hui en Afrique, aucun Etat démocratique ne peut avoir la caution des citoyens. Ces conditions sont aujourd’hui en plus, des droits et libertés, des exigences de la société civile (le nouveau contre pouvoir), qui en en a fait son cheval de bataille.

En gros, s’il y a conflits, au sens où ils constituent des entraves pour la bonne marche de nos Etats, les responsables sont à tous égards tout désignés : nos propres dirigeants.Il n y a plus lieu aujourd’hui d’incriminer la colonisation, mais notre praxis politique même. Les scandales politiques, les corruptions, les marchés gré à gré, le népotisme, les détournements de fonds publics sans sanctions conséquentes, les rébellions armées au Niger, Mali, au Tchad, Soudan, les guerres civiles au Libéria, Sierra Leone, Côte-d’Ivoire, les génocides au Rwanda, les grèves ininterrompues des étudiants, des professeurs, des syndicats, etc., bref c’est tout cet essaime de problèmes, de maux qui ‘‘atrophient’’ la bonne gouvernance en Afrique. C’est en considération de tous ces maux, qu’une éthique du politiqueest impérieuse en Afrique.

Lorsqu’un dirigeant est sur la mauvaise pente, qu’il agit mal, qu’il nuit par ses actions contre les intérêts du peuple, il est juste de lui dire qu’il est en faute, et lui faire comprendre la pikra anagkê, c’est-à-dire la nécessité amère de renoncer à ce qu’il croit vrai.[11]Plus clairement, il faut dire à la lumière des faits sociopolitiques qui défilent quotidiennement sous yeux, que les dirigeants africains ne travaillent pas suffisamment dans l’exercice du bien de leurs citoyens. Et ils sont à tout point de vue dans cette conduite du voleur qui est absolument conscient (il croit) qu’il n’agit que pour son utilité. Il ne voit donc pas en effet que voler est nuisible.

4. L’Ethique comme thérapie à la mal gouvernance 

 

Au nom de quel droit alors doit-on laisser indéfiniment nos dirigeants exercer mal le pouvoir ? Savent-ils suffisamment ce qu’est le pouvoir ? Et pourquoi ils ont obligation à bien  l’exercer?

 

C’est avec le philosophe Emmanuel Kant qu’il est judicieusement permis d’avancer que le terme Mal, au sens où nous voudrions l’envisager dans le cadre de cette dimension Ethique du pouvoir africain, a pris sens souligne Alain Badiou à travers l’idée d’un « mal radical » : l’extermination des juifs d’Europe par les Nazis, est un exemple qui ne doit plus se répéter, qu’il faut empêcher à tout prix »[12]. Qu’est-ce à dire dans une perspective africaine ?

Les philosophes grecs antiques ont enseigné une science (une discipline) merveilleuse appelée l’Ethique, qui peut utilement, si nos dirigeants s’en inspirent soigner la mal gouvernance aujourd’hui. Pour nous il est en effet clair que l’Ethique grecque peut être bonne à penser pour les politeiai (constitutions) africaines. Qu’est alors que l’Ethique ?

Pour Alain Badiou, le mot Ethique est un terme que nous retrouvons dans la Grèce, chez le Stagirite (Aristote) :l’Ethique à Nicomaque par exemple. Ethique concerne en grec, « la recherche d’une manière, d’une bonne manière d’être », ou « la sagesse de l’action ».[13]. Mais si nous remontons à l’ancienne tripartition de la philosophie propre aux écoles hellénistiques, l’Ethique correspond à la troisième partie de la philosophie après la logique et la physique. Elle est donc celle qui ordonne l’existence pratique à la représentation du Bien. Aujourd’hui on peut dire que l’Ethique est devenue une notion transversale que nous retrouvons également dans les domaines des droits de l’homme, dans les situations technico-scientifiques (Ethique du vivant, bio-Ethique), les situations sociales (éthique de l’être ensemble), les situations médiatiques (Ethique de la communication) etc.

Au regard de l’ampleur de la gestion calamiteuse des Etats africains, une intrication entre respect des droits de l’homme et bonne gouvernance doit s’imposer nécessairement comme règle absolue de gestion du pouvoir. Les dirigeants doivent cesser de réduire le citoyen africain en sujet abstrait, mais lui reconnaître dorénavant son statut de sujet raisonnable, qui possède des droits (droits de survivre, de n’être pas maltraité, de disposer de libertés) que toute constitution doit promouvoir, protéger et rendre effectifs. L’Ethique envisagée sous cet angle consiste à se préoccuper de ces droits et libertés (d’opinions, d’expression, de désignation démocratique des gouvernants), à les faire respecter.

Mais l’implantation d’une Ethique politique en Afrique qui tiendra compte de l’effectivité des droits de l’homme, passe nécessaire par une transformation de l’égoïsme de nos dirigeants pour une catalepsis (une saisie) de l’existence des autres : c’est-à-dire de ce peuple qui vit mal, et qui a besoin de l’exercice d’une justice comme équité qui s’appuiera sur les nobles valeurs de la démocratie et du respect des droits des citoyens universellement consacrés par la déclaration universelle des droits de l’homme. C’est véritablement tout un travail de refonte de la mentalité de nos gouvernants qui est posée. Il s’agira par des discours, par des textes tels des « épitomés » (résumés de doctrine) de leur réapprendre à gouverner dans le sens du bien et de l’utile. Comme toute bonne thérapie, il s’agira au nom de l’Ethique politique de motiver nos dirigeants à respecter d’abord la chose publique, à se suffire de peu, à faire une sorte d’ascèse de leurs désirs, afin d’envisager le pouvoir non pas comme leur propre propriété, mais comme un devoir à accomplir au nom de l’intérêt du peuple. Et à ce niveau de notre analyse, l’exemple de l’empereur Marc-Aurèle peut grandement aider aujourd’hui les dirigeants honnêtes et sérieux qui veulent en âme et conscience œuvrer dans le sens du bien de leur peuple. A l’attention d’un homme qui était en admiration devant les mets que l’on mange à table, l’empereur Marc-Aurèle lui répondit : « Tout ça n’est rien de plus que du cadavre de poisson ou d’animal ». Il faut, et c’est une condition sine qua non que le quotidien de l’homme politique reflète cette parabole très instructive. C’est donc dire, à partir de ce qui précède que le bon et futur dirigeant africain doit être à nos yeux un thérapeute du quotidien. Qu’est-ce à dire ?

Nous pensons qu’après des décennies de mal gouvernance ou plus exactement de mauvaise gestion de l’Etat, que nos dirigeants et nos hommes politiques cessent de gérer l’Etat comme les barbares, qui ne pensent qu’à prendre tribus et butins. La conquête du pouvoir en Afrique est à l’identique des ambitions des chefs de guerre d’Alexandre le Grand qui ne le suivaient dans ses folles conquêtes rien que par rapport aux butins : c’est-à-dire s’enrichir. Alors puisque la conquête ne passe plus aujourd’hui par la guerre, le seul moyen royal et rapide passe par des stratagèmes de filous pour ‘‘saigner’’ les caisses de l’Etat : d’où la corruption, l’affairisme, le népotisme, l’injustice. Cet éventail de phénomènes est concrètement ce que nous pourrions appeler : le Mal Politique. Car d’un point de vue éthique, le Mal c’est le négatif, le manque de souci pour le Bien, le refus de penser au bien du peuple. Il est en effet clair que si les futurs et actuels dirigeants africains parviennent à ressasser tous les maux qui ont handicapé l’évolution positive de leur Etat, et en faisant du respect des droits des citoyens et de leur concrétion leur cheval de bataille, nous pensons qu’ils rentreront véritablement dans l’éthique de la gestion de l’Etat entendue comme Devoir supérieur. Ainsi que cela se comprend, c’est cette éthique du bien faire, du souci de l’intérêt des citoyens qui fait grandement défaut en Afrique, non pas que les dirigeants sont incapables d’avancer politiquement comme par une sorte de malédiction, mais c’est simplement que le mal est inhérent à nos propres attitudes de gouvernance qu’il faille aujourd’hui élaguer. Et selon la belle formule que nous propose Alain Badiou, si notre situation actuelle peut être considérée d’un point de éthique comme un mal énorme, donc rigoureusement un crime contre des citoyens (ou mieux une trahison politique), nous adhérons pleinement à ses propos pour dire en effet que : « Les droits de l’homme sont des droits au non-mal »[14]. Autrement dit, in concreto, les valeurs issues de des diverses déclarations des droits de l’homme n’ont pas été suffisamment intriquées dans les diverses gestions de nos démocraties africaines.

A l’évidence ce qui bloque, ou constipe l’avancement normal de nos Etats africains, c’est le choix clairvoyant de la part du peuple de dirigeants instruits, honnêtes, justes et sages. Or chaque fois, ce que les africains récoltons après les élections, ce sont des dirigeants masqués, plus prompts à se satisfaire d’abord que de travailler pour le Bien des citoyens. Pour nous en effet, un dirigeant qui laisse par exemple la famine s’installer dans son pays alors qu’il pouvait la prévenir est coupable devant l’histoire. Un dirigeant qui au nom d’intérêts égoïstes laisse certains individus dépouiller de pauvres villageois sans rien faire, et pire reste indifférent par rapport au sort de milliers de familles déplacées pour cause de guerre, est coupable devant l’histoire.

Tous les chefs africains qui ne font rien pour ramener la paix, la stabilité politique, la sécurité, de redonner du bonheur pour le peuple par le biais du travail, des salaires réglés à termes échus, qui n’accordent pas de bourses leurs étudiants ou cautionnent la honte qu’un étudiant soit expulsé en en Europe pour cause de renouvellement de titre de séjour est coupable également devant l’histoire. On peut affirme avec vérité sur ce point précis, qu’il y a en Afrique beaucoup de dirigeants assis au pouvoir qui sont des criminels impassibles au sort de leurs concitoyens.

Ethiquement parlant, nous savons que depuis les grecs la corruption, l’indifférence et la cruauté des dirigeants ont été les causes de leur discrédit. C’est cette leçon des faits politiques du passé que nos dirigeants africains (généralement qui ne lisent pas) ignorent. D’où leurs maladresses. Ils deviennent par leur pratique quotidienne des dirigeants en porte-à-faux avec l’exercice des valeurs démocratiques. En tant qu’ils sont les bourreaux de leurs propres peuples, les dirigeants africains apparaissent éthiquement comme des « chefs abjects ».

                         

CONCLUSION

L’Afrique est le berceau de l’humanité, c’est une vérité qui doit toujours briller comme la flamme des jeux olympiques. La nouvelle génération doit le savoir comme un « vrai gai savoir ». Il est possible que notre Afrique reparte sur ses propres rails, si tous les africains, en l’occurrence l’élite qui est le cheval de bataille de ce grand changement à venir recorrige les mentalités et opte pour un modèle de gestion pragmatique et éthique. La situation des sans papiers en Europe doit nous interpeller pour rétablir, la croissance, la prospérité et la paix en Afrique, afin qu’un africain rapatrié de l’Europe n’ait plus honte de revenir dans sa terre natale, et de se rendre utile.

Toute cette vague d’africains qui défient les mers pour venir souffrir en Europe, est la preuve que si nos gouvernements futurs créent les meilleures conditions de vie et de travail pour leurs concitoyens, en oubliant leurs intérêts égoïstes, pour travailler pour le bien public, il est possible de voir moins de candidats à l’immigration. Le respect donc de notre Afrique passe nécessairement par nos dirigeants et de leur courage politique à forcer le développement. C’est de cette manière que la confiance et la paix peuvent devenir des réalités en démocratie.

Nous n’avons plus le droit aujourd’hui de continuer d’incriminer la colonisation. Le progrès, ce que les Grecs dans leur belle langue appellent « prokôpé », ne se fait pas en vivant en marche arrière avec des conflits récurrents et interminables. Mais que la réussite de l’Afrique, son grand défie historique est de gagner son arrimage à la Mondialisation. On ne peut pas faire de la démocratie en attendant tout de l’Occident. Les dirigeants qui ont été élus par leurs peuples même si certains sont arrivés au pouvoir par des voies peu catholiques (des fraudes) doivent savoir qu’ils ont pour devoir de créer les conditions les meilleures pour leurs citoyens. Après plus d’une décennie de démocratisation, il est intolérable que des dirigeants continuent à exercer le pouvoir sans tenir compte des intérêts réels de leurs citoyens.

Les conflits, les guerres, les famines, la corruption, l’indifférence face aux malheurs des immigrés à l’étranger dénotent grandement d’une absence notoire de régler les problèmes. De violence en violence, l’Afrique risquerait de devenir non pas le berceau de la civilisation, mais le fief des bandits politiques, des trafiquants, des terroristes, de malfaiteurs de tous acabits. Nous pensons également que face aux conflits qui déchirent nos jeunes démocraties, il est extrêmement urgent d’inviter nos dirigeants et les populations à renouer avec la flamme de l’amitié. Et c’est à juste titre que nous devrions célébrer dans la démocratie les vertus de l’amitié politique: « l’amitié mène sa ronde autour du monde habité, comme un héraut nous appelant tous à nous réveiller pour nous estimer bienheureux ». (Marcel Conche, Epicure, Lettres et maximes, sentence 52, PUF, Paris,  2005, p. 261).

 Youssouf

Criminophilosophe.



[1]  René Dumont, L’Afrique Noire est mal partie, éd. Seuil, 1962, p. 5.

[2] Op.cit, p. 17.

[3] Ibid. p. 17

[4]  René Dumont, L’Afrique Noire est mal partie, op.cit.,   p. 17.

[5]  L’Afrique Déboussolée, éd. Plon, 1978, p. 22.

[6]  Mythes révolutionnaires du tiers monde, éd. le Seuil, 1976, p. 48-49.

[7] Interview à jeune Afrique, 7 Janvier 1977, in Mythes révolutionnaires du tiers monde, p. 49.

[8] Marcel Conche, Epicure, Lettres et maximes, maxime XXVII, Paris,  PUF, 2005, p. 239.

[9] Hannah Arendt, Du Mensonge à la Violence, p. 57.

[10]Aristote, La Politique, J .Tricot, éd. Vrin, 1995, p. 24.

[11] Michel Foucault, in L’Herméneutique du sujet, p. 134-135.

[12] Alain Badiou, Ethique, Paris, Hatier, 1993 p. 56.

[13] Ibid., p.4.

[14] Alain Badiou, Ethique, Paris, Hatier, 1993, p. 11.

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