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PHILOSPARTACUS
3 mars 2013

Le kamikaze.

_ Ulysse arrivé dans le pays des morts (Hadès) interpelle Achille, l’ex grand guerrier de la guerre de Troie : « Pour toi, Achille, nul homme plus que toi ne fut ni ne sera heureux. Jadis, de ton vivant, nous t’honorions autant qu’un dieu, nous autres Grecs ; et maintenant ici, parmi les morts, tu règnes de nouveau : ne regrette donc  pas la vie ! »

_ Achille de répondre amèrement et de déplorer sa vie de guerrier : « Ne cherche pas à m’adoucir la mort, ô noble Ulysse ! J’aimerais mieux être sur terre domestique d’un paysan, fût-il sans patrimoine et presque sans ressources, que de régner ici parmi ces ombres consumées… » (Homère, Odyssée, chant XI, 480-490, trad. Philippe Jaccottet)

 Ceci pour dire que chez anciens Grecs on ne trouve pas de modèles ou de méthodes Kamikazes. Les Grecs préfèrent l’affrontement physique, grandeur nature de la guerre, l’affrontement sur de grands champs de batailles, contrairement à nos sociétés modernes qui s’adonnent presque partout à la guerre asymétrique nuisible en premier lieu pour les populations : la destruction par exemple du marché de Gao. La guerre ce n’est pas du cache-cache, de la guérilla, mais comme disait Car Von Clausewitz : « La collision de deux forces vives » dont le but final se résumerait ainsi : « Tant que je n’ai pas abattu l’adversaire je peux craindre qu’il m’abatte » (Car Von Clausewitz, De la guerre, trad. Denisse Naville).

Partant de ces considérations, on peut alors faire voir que le terme Kamikaze est plus spécifique aux avions-suicides des japonais lors de la seconde guerre mondiale. Aujourd’hui cette [opération suicide] est adoptée efficacement par le terrorisme islamiste. Si le but des Kamikazes japonais [donc politique, pour la Cause de l’Empire] était de faire couler les porte-avions américains, de provoquer un grand effroi chez l’ennemi et de tuer en masse ; pour les kamikazes djihadistes, la guerre est dirigée prioritairement contre les « croisés » (les infidèles), les juifs et aujourd’hui les Etats africains qu’ils considèrent comme de mauvais musulmans qui se sont écartés de l’Islam. Il fallait donc comme au Mali, châtier les populations en leur imposant la charia.

Il nous semble que lorsque philosophe du Jardin (Epicure, 341-271 av. J.-C.) écrivait que « la mort n’est pas à craindre », cet aphorisme n’invitait pas aux opérations le kamikaze, ni se faire hara-kiri. Comprendre ainsi Epicure, c’est travestir sa pensée. Le philosophe Epicure était un sage très proche d’un éminent penseur et homme politique tel que Gandhi. La philosophie d’Epicure à l’époque ciblait la doctrine des écoles adverses, en l’occurrence celle de l’Académie, les disciples de Platon. Epicure chahutait ses adversaires juste pour faire voir, contre les crédules, les superstitieux, qu’après la mort, il n’y a pas de jugement des âmes, c’est-à-dire toute cette représentation (fiction) fantasmatique et fantasmagorique construites par Platon. Pour Epicure, un Dieu qui va s’échiner à juger les âmes, devrait être un Dieu fort affairé. Dans l’optique d’Epicure, le Dieu en tant qu’il est « l’être bienheureux et incorruptible n’a pas lui-même de soucis et n’en cause pas à autrui ; de sorte qu’il n’est sujet ni à la colère ni à la bienveillance : car tout ce qui est tel est le propre d’un être faible » (Epicure, Lettre et maximes, maxime capitale 1, trad. Marcel Conche). Nous percevons bien à partir d’Epicure, et ce jusqu’à Blaise Pascal, que le suicide est un mal, sauf s’il est inévitable en cas de maladie incurable. Il faut être atteint de débilité mentale, ou fanatisé pour préférer la mort à la vie. Les épicuriens célèbrent l’instant, la vie de tous les jours.

D’un point de métaphysique, le suicide, en tant qu’il est un meurtre volontaire souille la Cité. C’est pourquoi les Grecs interdisaient le suicide. De surcroît pour le platonisme, l’âme est une propriété du Dieu, et cette âme est en mission sur terre pour apprendre des connaissances et faire après la remontée vers le monde Intelligible. C’est donc un devoir (sacré) pour chacun individu de bien s’occuper de sa vie et de son âme, et d’éviter les actions suicidaires. Platon va jusqu’à préférer les soins de l’âme au corps. De sorte que celui qui sait que l’âme est précieuse, et d’essence divine, ne peut pas s’aliéner ou se réifier juste pour accomplir des fins criminelles. D’où doublement les peines célestes.

De ce point de vue, force est d’admettre que le « martyrat » (l’éloge d’être un martyr) est vain, car même dans l’Odyssée d’Homère ainsi que nous l’avons montré en exorde de nos propos, les héros regrettent leurs conduites, restent nostalgiques des bienfaits que procurent la vraie vie terrestre loin des batailles. Le héros Achille confesse à Ulysse son erreur d’être mort pour ne gagner rien que l’obscurité de Hadès (la demeure des morts). L’exemple d’Achille est la preuve que la vie de Kamikaze, de martyrs, etc., ne rapportent rien dans l’autre monde. Dieu ne reçoit pas les âmes impures, les âmes des meurtriers et autres criminels. Le Paradis, ne se donne pas par le meurtre d’innocents, par des assassinats, des prises d’otages, des attentats à la bombe, etc., mais au terme de bonnes actions. Dieu c’est entendu depuis le Nouveau Testament, est redevenu un Dieu d’Amour. Il ne cautionne plus des djihads et autres actes criminels. Chacun doit assumer ses actes dès ici-bas comme dirait Epicure, si d’aventure il existerait un jugement des âmes. Devant le scepticisme d’Epicure, Blaise Pascal pose le postulat du Pari : parions qu’il existe une vie après la mort, donc un paradis (donc on gagne en misant), et de même gageons comme Epicure qu’il n’y en pas (et encore on ne perd rien, donc on gagne derechef).

Conclusion : il n’y a rien à craindre de la vie après la mort. D’où encore Epicure. Aussi exhorte-t-il les ignorants, les va-t-en guerre de déposer les armes et de revenir savourer les délices de l’amitié : « L’amitié mène sa ronde autour du monde habité, comme un héraut nous appelant tous à nous réveiller pour nous estimer bienheureux. » (Sentence 52, in Epicure, Lettre et maximes, trad. M. Conche). Au sens d’Epicure, les islamistes qui instrumentalisent des individus en les transformant en « bombes humaines », sont dans la fausse prénotion (prolepse) du Dieu,  et donc leurs actions criminelles participent de l’ignorance au sens de l’Athénien des Lois de Platon : «« Tous les méchants, à quoi que s'applique leur méchanceté, comme étant méchants sans le vouloir » (Lois, IX, 860d).  Il n’y a pas de mort glorieuse, tout est inanité. Pour nous il est d’une claire évidence que tous ceux qui se proposent aux opérations suicide, qui se réifient en arme pour tuer des humains, sont des « décadents » au sens de Nietzsche. Et au sens de Blaise Pascal, ne serait-on pas tenté d’avancer que ce sont « des hommes sans dieux » ?

 

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